Si Ahmed Ouyahia est en train de faire sa propre traversée du désert, c'est depuis un désert, celui de la Mauritanie, qu'il a refait surface. Au-delà de l'ironie de cette situation, cette sortie publique est la première depuis une année d'éclipse. Comme à son habitude, et sa discipline rectiligne, Ouyahia n'est pas sorti de ses prérogatives. Pourtant, à 2 792 km d'Alger, l'ancien Chef de gouvernement pouvait se lâcher un peu, fendre l'armure et s'en aller à quelques confidences. Mais ce n'est pas le style de la maison. Ouyahia a été mandaté par l'Union africaine pour faire un travail d'observateur et d'évaluation des élections législatives mauritaniennes et, comme à son habitude, il n'est pas sorti des clous. C'est avec étonnement et intrigue que le Alger politique avait accueilli cette désignation d'Ouyahia pour aller superviser le processus électoral chez nos voisins sahéliens. Il faut dire qu'Ouyahia sait cultiver le silence autour de ses projets et a développé depuis son départ du Palais du gouvernement un sens aigu de la paranoïa. À raison d'ailleurs. Certaines rumeurs l'avaient envoyé à New York (6 474 km d'Alger), pour donner de la consistance à notre représentation à l'ONU, d'autres l'avaient déjà installé dans le fauteuil d'ambassadeur d'Algérie à Washington (à 6 803 km d'El-Mouradia, ce qui paraît une distance respectable). Et même si on dit qu'il a un peu maigri, ces deux costumes demeurent trop étroits pour lui. Depuis sa fracassante sortie sur l'intrusion dangereuse de l'argent dans l'Etat et les dégâts des réseaux mafieux dans le fonctionnement de la République, qui lui ont d'ailleurs valu un remplacement attendu, Ouyahia n'a pas dit mot. Son retour sur la scène publique s'est aussi fait dans la discrétion et on fait mine d'ignorer qu'Ouyahia est un diplomate de formation, Anglophone, rompu aux affaires africaines et artisan d'accords au Mali, au Niger et en Mauritanie, quand le Sahel était en paix. La question, maintenant, est de savoir si cette sollicitation est conjoncturelle ou signe-t-elle un retour aux affaires ? À Ben Aknoun, siège des intrigues du RND, Ouyahia est devenu comme Sarkozy à l'UMP, un absent dont on n'arrête pas d'évoquer le retour. Depuis Nouakchott, où les tribus sont beaucoup moins nocives que les clans au sein du RND, aucune réponse n'est venue si ce n'est l'image d'un diplomate qui a joué sa partition en faveur de l'Algérie et de son rôle en Afrique. Comme d'habitude et sans penser aux 6 km qui séparent Ben Aknoun du quartier d'El-Mouradia. Nom Adresse email