Le procureur général près le tribunal criminel de la cour d'Alger a requis, hier, la perpétuité contre 20 membres impliqués dans le réseau de trafic de la cocaïne dont les ramifications vont de Bamako jusqu'en Espagne en passant par Alger. Dans son réquisitoire, le procureur général est d'abord revenu sur les différentes étapes qui ont permis le démantèlement de ce réseau commandé par les deux frères F. A. et F. T. qui ont recruté des stewards pour le transfert de la drogue, deux officiers de la Police judiciaire pour sa commercialisation ainsi qu'un groupe de dealers. Le procureur général a relevé l'absence de mesures de contrôle des stewards au niveau des postes à l'aéroport. "Ces derniers ont profité de la situation pour faire passer la drogue de même pour les deux officiers de police qui ont une qualité de la Police judicaire, mais assuraient les déplacements des dealers", a-t-il déclaré dans son réquisitoire. S'agissant de l'accusé R. A .B., steward et artiste, le procureur général a affirmé qu'il est impliqué dans l'importation de la cocaïne. Ce qui a été confirmé par les aveux de ses complices. Le magistrat a également commenté les déclarations de certains accusés qui sont revenus sur leurs aveux devant les enquêteurs de la Police judiciaire du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) et du juge d'instruction, justifiant avoir reconnu les faits sous la torture. "Les accusés pouvaient saisir le procureur directement ou par le biais de leurs avocats sur ces pratiques. Mais la réalité est tout autre, cette histoire de torture est devenue à la mode dans les grandes affaires judiciaires", dira le procureur général. Suite à quoi, il a requis la perpétuité contre tous les accusés impliqués dans cette affaire. Pour la seconde journée du procès, les auditions des accusés se sont poursuivies dans la matinée. Deux officiers de police se sont présentés à la barre. H. M., lieutenant de police, chef adjoint de la sûreté urbaine d'Ouled Fayet, poursuivi pour complicité dans la commercialisation de la cocaïne. Il a déclaré qu'il connaissait un des membres du réseau, un maçon qui était son voisin, mais il ignorait qu'il était dealer avant d'être interrompu par le président du tribunal, le magistrat Omar Benkharchi qui lui rappelle les aveux de ses complices. "Tu as dîné avec Y. B., un dealer à la Madrague, un endroit que tu fréquentes beaucoup et le jour de ton arrestation, tu étais en compagnie de ce dealer", a estimé le magistrat avant d'ajouter : "Tu es un officier de police, comment fréquenter un maçon, déjà repris de justice dans une affaire de drogue ?" L'accusé a justifié ses déplacements à la Madrague par l'organisation de descentes dans cet endroit marqué par la présence de plusieurs bars et points de vente clandestins de boissons alcoolisées. Confronté par ses aveux devant les enquêteurs, il dira au président du tribunal qu'il "était torturé" mais le magistrat l'interroge : "Alors, est-ce que vous torturez les détenus dans les commissariats ?" À la surprise de l'assistance, il répondra : "On le faisait avant, mais on a arrêté ces pratiques depuis 1999." Le juge a répliqué pour sa part que toute personne impliquée dans la torture "sera jugée". De même pour un autre officier de police, un lieutenant de police de la Brigade de recherches et d'interventions (BRI) de la sûreté de wilaya d'Alger, qui a déclaré qu'il a collaboré avec les enquêteurs du DRS pour l'arrestation de l'un des chefs du réseau en l'occurrence F. T. Le chanteur du flamenco, Réda Sika, de son vrai nom B. Réda Abdallah, steward à Air Algérie, poursuivi dans cette affaire, a été auditionné dans la soirée de dimanche. "Je reconnais avoir consommé un gramme de cocaïne avec F. A. quand on était ensemble à l'hôtel à Bamako, mais je n'ai plus pris de drogue depuis 2008", avait-il déclaré, avant d'ajouter : "Je voulais en finir, ils m'ont torturé, moi je suis victime de mon nom et ma carrière d'artiste. Je suis innocent." Au moment où nous mettons sous presse, le verdict n'était pas encore tombé. Y. S. Nom Adresse email