Dans son réquisitoire, Zouhir Talbi est revenu sur les différentes étapes de cette affaire, jusqu'au démantèlement du réseau, ayant à sa tête deux frères F. Abdenour et Tayeb qui ont recruté des stewards d'Air Algérie pour l'acheminement de la cocaïne de Bamako vers l'Algérie. Un groupe était chargé de la commercialisation de la drogue en Algérie avec la complicité de deux officiers de la police judiciaire. Un autre est composé de consommateurs. Le procureur général a relevé l'absence de mesures de contrôle des stewards au niveau de l'aéroport. « Ces stewards ont profité de la situation pour faire passer de la drogue dure de même pour les deux officiers de la police judiciaire qui assuraient le déplacement des dealers », a-t-il souligné dans son réquisitoire. S'agissant de Réda Abdallah Bendjama, connu sous le nom de Réda Sika, steward et artiste, le procureur général a affirmé qu'il est impliqué dans l'importation de la cocaïne. Le magistrat a également évoqué les déclarations de quelques accusés qui sont revenus sur leurs aveux devant les enquêteurs de la police judiciaire du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) et le juge d'instruction, justifiant avoir reconnu les faits sous la torture et la pression. Pour Zouhir Talbi, le code pénal est clair. « Les accusés pouvaient saisir le procureur directement ou par le biais de leurs avocats sur ces pratiques. Mais la réalité est tout autre, cette histoire de torture est devenue à la mode dans les grandes affaires judiciaires », a estimé le procureur général qui a requis la peine maximale. « Je demande la perpétuité contre tous les accusés », a-t-il conclu son réquisitoire.Les auditions des accusés se sont poursuivies dans la matinée de la deuxième journée du procès. Deux officiers de police, mis en cause, se sont présentés, hier, à la barre. H. Mustapha, lieutenant de police, chef adjoint de la Sûreté urbaine d'Ouled Fayet, est poursuivi pour complicité dans la commercialisation de la cocaïne. Il a reconnu connaître l'un des membres du réseau, un maçon qui était son voisin, mais il ignorait qu'il était dealer, avant d'être interrompu par le président du tribunal, le magistrat Omar Benkharchi, qui lui a rappelé les aveux de ses complices. « Tu as dîné avec Yazid B., un dealer, àEl Djamila (ex-la Madrague), un endroit que tu fréquentes beaucoup et le jour de ton arrestation, tu étais en sa compagnie », lui fait savoir le magistrat. L'accusé a justifié ses déplacements à El Djamila par l'organisation de descentes dans cet endroit où on compte plusieurs bars et points de vente clandestins de boissons alcoolisées. Confronté à ses aveux devant les enquêteurs, il a affirmé au président du tribunal avoir reconnu les faits sous la torture. Réplique du magistrat : « Est-ce que vous torturiez les détenus dans les commissariats ? ». A la surprise de l'assistance, l'officier répond : « On le faisait avant, mais on a arrêté ces pratiques depuis 1999. » Le juge dira que toute personne impliquée dans la torture « est jugée ». L'autre officier de police mêlé à cette affaire, un lieutenant de la Brigade de recherches et d'investigations (BRI) de la Sûreté de la wilaya d'Alger, a tenté de se disculper, en rappelant sa collaboration avec les enquêteurs pour faire tomber l'un des chefs du réseau, en l'occurrence F. Tayeb. Mais le magistrat lui rappelle les faits : « Tu as été arrêté en flagrant délit avec Tayeb et les investigations ont prouvé l'existence d'une relation entre vous. Tu assurais l'escorte en contrepartie de cadeaux et de vêtements de luxe. » L'accusé reconnaît qu'il s'est déplacé de Bordj El Kiffan, au domicile du dealer, à Zéralda, pour porter aide à son frère blessé dans un accident de la circulation et qu'il le connaissait parce qu'il lui ramenait des pantalons Jean. « Je suis grand de taille et j'avais des difficultés à trouver des pantalons ici en Algérie », précise-t-il. Réda Sika : « Je suis victime de ma carrière d'artiste » Le chanteur de flamenco, Réda Sika, steward à Air Algérie, a été auditionné dans la soirée de dimanche. Il a nié en bloc les charges retenues contre lui, affirmant qu'il a tenu les mêmes déclarations tout le long de l'instruction. « Je reconnais que j'ai consommé un gramme de cocaïne avec F. Abdenour quand on était ensemble à l'hôtel à Bamako mais je n'en ai plus pris depuis 2008 », a-t-il affirmé. Le procureur de la République lui a rappelé ses aveux lors de l'instruction. « Les enquêteurs étaient spécialisés dans la lutte antiterroriste, je voulais en finir, je suis victime de mon nom et de ma carrière d'artiste. La presse m'a impliqué aussi par des articles infondés. Je suis innocent », a-t-il clamé. Vingt accusés sont passés à la barre durant les deux jours du procès. Parmi eux, un pêcheur de Bou-Ismaïl qui a reconnu transporter du kif traité mais n'a jamais touché à la « ghobra » (drogue dure). Un autre, D. Mohamed, a nié connaître les autres membres du réseau. « Moi, j'ai fait la omra, je n'ai aucun lien avec ce trafic », a-t-il plaidé. Les plaidoiries ont duré plusieurs heures.