Cette immense lumière qui a éclairé un moment l'Afrique et qui s'est éteinte aujourd'hui, laisse ce beau et riche continent orphelin de l'un de ses valeureux fils qui l'ont sorti, pour un temps, de l'oubli et des ténèbres pour qu'il soit plongé de nouveau dans l'anarchie, le désordre, la dépendance et la marginalisation. Il y a des hommes et des femmes qui ont marqué leur passage, dans ce bas monde, de manière admirable, par un combat inlassable au service des bonnes causes dont le respect de la dignité humaine et la reconnaissance des droits de l'homme et des peuples. Ils ont assurément laissé des pages glorieuses aux générations futures empreintes, certes, de lourds sacrifices mais riches d'enseignements. Feu Nelson Mandela, appelé affectueusement par son peuple Madiba, qui a tiré sa révérence, jeudi 5 décembre 2013, est assurément l'une de ces grandes personnalités historiques qui ont marqué les esprits de notre temps et forcé unanimement l'admiration et la reconnaissance. Il mérite notre grand respect et notre haute considération pour l'œuvre gigantesque qu'il a accomplie au service de son peuple, de son pays l'Afrique du Sud et pour son rôle majeur pour la paix dans le monde. Durant le long et difficile combat qu'il a mené contre l'apartheid, son humanité, renforcée par les souffrances endurées et la longue privation de liberté lui a permis d'acquérir hauteur de vue et profondeur de vision, qualités que seuls les grands hommes possèdent. Pendant son unique mandat de premier chef d'Etat (1994-1999), contrairement à tous ses pairs africains qui ont fait de "la légitimité révolutionnaire" un héritage personnel pour monopoliser le pouvoir à vie, il a fait montre d'une grande sagesse, de beaucoup d'abnégation de soi, de générosité et de tolérance pour accomplir l'œuvre considérable de réconciliation nationale et pour engager le pays dans la voie de la normalité politique et institutionnelle. Ce travail colossal, accompli en si peu de temps, lui a valu le respect, l'admiration et l'estime de tous, à l'intérieur et à l'extérieur, comme en témoigne l'hommage planétaire qui lui a été rendu. Sa conduite et son héritage devraient inspirer beaucoup de chefs d'Etat africains où le pouvoir autocratique continue à être exercé dans le déni total de la volonté du plus grand nombre et le mépris des ressources humaines nationales de qualité, prêtes pour la relève. Cette pratique du pouvoir constitue la règle depuis l'indépendance, dans la quasi-totalité des pays africains et arabes, en dépit du bon sens, de la morale politique et des règles de bonne gouvernance. Cette situation, hautement condamnable, a maintenu ces pays, malgré l'abondance des riches matérielles et humaines dans l'instabilité politique et le sous-développement économique et social. Elle a, entre autres, gagé l'indépendance chèrement acquise de ces pays en ouvrant la porte aux interventions extérieures et par voie de conséquence, l'accentuation de l'influence des ex-puissances coloniales. Les leçons que nous devons retenir des enseignements et de la conduite politique de feu Madiba sont l'effacement de soi devant l'intérêt général, le respect, la considération et la confiance que les dirigeants doivent accorder à leur peuple respectif, à la classe politique et à la société civile en général. La volonté de partage du pouvoir et d'association à la conception et à la formulation des politiques et des règles communes régissant la vie de la société dont feu Mandela a fait un credo politique visait à assurer et à garantir la stabilité et la concorde nationale et faire accepter et défendre les règles établies de manière consensuelle. Pour le grand homme d'Etat qu'il était, l'action politique était fondée sur des principes et des valeurs. Elle était vouée à un idéal, celui du respect de la personne humaine, la défense de sa dignité et la protection des droits des gens et des peuples, valeurs sans lesquelles aucune gouvernance n'est plausible, ni efficace ni durable. Cette immense lumière qui a éclairé un moment l'Afrique et qui s'est éteinte aujourd'hui, laisse ce beau et riche continent orphelin de l'un de ses valeureux fils qui l'ont sorti, pour un temps, de l'oubli et des ténèbres pour qu'il soit plongé de nouveau dans l'anarchie, le désordre, la dépendance et la marginalisation, à cause précisément, de la monopolisation ou la personnalisation du pouvoir au service de castes et d'intérêts occultes, autant de pratiques qui ne peuvent engendrer que la mauvaise gouvernance et le pourrissement économique, social. J'ai eu l'insigne honneur et l'immense privilège d'assister à la cérémonie d'investiture du président Mandela, en 1994, en tant que premier chef d'Etat d'Afrique du Sud débarrassée de l'apartheid. J'ai gardé de ce premier contact avec ce Géant de l'histoire de l'Afrique contemporaine l'image d'un homme simple, courtois, affable et à l'écoute de ses interlocuteurs, malgré la lourdeur de la charge qu'il exerçait et le poids des souffrances endurées, autant de qualités indispensables à quiconque aspire à assumer de hautes responsabilités publiques au service de son peuple. En cette circonstance douloureuse, je ne peux que m'incliner respectueusement à la mémoire de ce Héros des droits de l'homme et des peuples en priant pour le salut de son âme. M. E. M. (*) Ancien ambassadeur et ancien ministre de la Communication Nom Adresse email