Le rapport de la commission Benzaghou entrera en vigueur en septembre 2003. Il y avait foule, hier matin, au département de l'Education nationale. Pour cause, l'évènement était de taille. Devant un parterre d'invités dont les ministres de l'enseignement supérieur, des affaires religieuses, de la formation professionnelle, de la culture et de la communication et du secrétaire d'Etat chargé de la recherche scientifique, le premier responsable de l'Education, M. Noureddine Salah, a annoncé solennellement le début de la mise en œuvre du rapport Benzaghou de la réforme du secteur dès la rentrée scolaire prochaine. “Il m'est agréable de vous informer que de nouveaux manuels seront disponibles dans les établissements d'enseignement à la prochaine rentrée. Ils seront distribués aux élèves des premières années primaire et moyenne”, a-t-il révélé. “Il s'agit bien du cycle moyen qui comprend quatre années”, a répété le ministre avec insistance. Ainsi exprimée, la précision est, en effet, importante car elle reflète la résolution enfin prise par les pouvoirs publics d'en finir avec l'expérience désastreuse de l'école fondamentale. Trente ans, il aura finalement fallu trente ans pour entériner le choix d'un système éducatif moderne et pragmatique. Noureddine Salah s'est longuement fait le porte-parole, hier, de cette perspective inespérée affirmant que toute tutelle sur l'école sera désormais interdite. “Seuls les parents d'élèves et les éducateurs auront un droit de regard sur l'éducation et la formation des générations futures”, a-t-il déclaré. Dans l'auditorium du ministère où étaient massés ses homologues ministres, mais aussi les membres de la commission nationale des programmes qu'il a, à l'occasion, installée, le successeur de Aboubeker Benbouzid s'est bien évidemment gardé de critiquer la gestion antérieure de son département. Il a, au contraire, loué tous les efforts entrepris pour impulser la réforme. Pour rappel, il est à signaler que c'est Benbouzid, le premier, qui avait annoncé, il y a quatre ans, la remise en question du système de l'enseignement fondamental avec l'abrogation de l'ordonnance de 1976 qui l'avait institué. C'était en 1998, Zeroual avait institué entre autres conseils consultatifs, un Conseil supérieur de l'éducation chargé de se pencher sur les meilleurs moyens de retour à l'enseignement classique, tel que reconduit au départ des Français à l'indépendance. Subdivisé en diverses sous-commissions, le Conseil a émis une pléthore de recommandations préconisant notamment l'ouverture sur les langues étrangères. De son côté, le département Benbouzid avait lancé sa propre réforme, axée sur plusieurs volets fondamentaux, dont la formation des formateurs, la révision des programmes et l'élaboration de nouveaux manuels scolaires. Dans les cercles officiels, on se faisait à cette époque-là l'écho d'une véritable révolution. Seulement voilà, en quatre ans — de 1998 à 2002 — aucun résultat concret n'a couronné les politiques de réforme. Vint entre-temps l'accession de Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême. Prônant sa propre révolution, le nouveau président est audacieux. Se distinguant comme un briseur de tabous, il remplace le Conseil supérieur de l'éducation par une commission nationale qu'il instruit de diverses recommandations, dont la fameuse réhabilitation de l'école classique avec la réintroduction du français dès la deuxième année primaire. En dépit d'une terrible levée de boucliers de la part des islamo-conservateurs, dont le promoteur de “l'école authentique”, l'ex-ministre de l'Education Ben Mohamed, l'instance de réforme continue à travailler, prend des positions courageuses et les insère dans un rapport. À sa publication, le groupe de Ben Mohamed menace de paralyser l'école et d'occuper la rue. Bouteflika jusque-là inébranlable, fléchit. Au gré de nombreuses hésitations et autres atermoiements, le fruit de la réforme semble définitivement prendre le chemin du cimetière. Un seul chapitre relatif à l'épuration des programmes de l'éducation religieuse du fanatisme religieux entre en application. Pendant l'hiver 2001, de nouveaux manuels sont élaborés et distribués dans les écoles. La mesure est importante mais insuffisante. Interpellés sur les autres volets de la réforme, les représentants du gouvernement, dont l'ex-ministre du secteur, se montrent un instant rassurants puis se ravisent en affirmant que la mise en œuvre du rapport exige l'accord de tous les partenaires et doit tenir compte des constantes nationales. Que peut signifier un tel discours sinon une revirement dans la position des pouvoirs publics face à la réforme ? Durant l'été, alors que des chefs d'académie se préparaient à ouvrir des écoles pilotes pour enseigner le français à partir de la deuxième année primaire, une instruction ministérielle le somme de tout arrêter. Dans une conférence de presse, le secrétaire général du ministère déclare que la réforme promise allait connaître des retards dans son application. Le représentant du ministère impute le recul à des impératifs techniques. Porte-parole du gouvernement, la ministre de la Culture et de la Communication, Khalida Toumi avance le même argument. La réforme est donc bel est bien renvoyée aux calendes grecques. Pourtant, quand son ex-collègue de la commission Benzaghou, le rapporteur général Noureddine Salah, a été, à son instar, nommé au gouvernement en tant que ministre de l'Education, l'espoir renaît. Pas pour longtemps cependant. Adopté par le nouvel exécutif, le programme de réformes ne semble pas s'inspirer beaucoup du rapport initial. Beaucoup craignent alors qu'il ne soit expurgé de ses lignes directrices pour ne pas heurter davantage les islamo-conservateurs. En tout état de cause, les premiers résultats seront connus en septembre prochain. Le ministre s'est engagé, hier, à opérer un changement scientifique, transparent, légal, progressif et méthodologique. S. L.