Le Premier ministre turc mobilise ses partisans contre les "groupes criminels", des manifestants qui exigent son départ ainsi que celui de son parti islamiste au pouvoir depuis onze années. Depuis le début de la semaine, Erdogan est passé à la contre-offensive après avoir constaté que les manifestations dirigées contre son pouvoir sont parties pour durer. Il pensait bénéficier encore de la baraka en surfant sur la crise qui s'est révélée plus grave qu'il ne l'imaginait, comme tout autocrate persuadé d'être l'homme providentiel, le messie, pour son peuple et son pays. Mais les graves accusations de corruption qui ont frappé son gouvernement et sa propre personne à travers son fils convoqué également par la justice se sont propagées atteignant même ses fidèles qui s'interrogent de plus en plus sur la moralité affichée par leur parti islamiste, l'AKP. Pour sa parade, Erdogan dont le masque démocratique était tombée en juin dernier lorsqu'il réprima sans retenue des laïcs et des républicains exigeant pour leur pays un régime réellement démocratique avec l'abondant de ses velléités de réislamiser une Turquie laïc et musulmane. Ces laïcs dénonçaient l'utilisation de la religion par Erdogan pour assouvir son ambition de rester au pouvoir cette fois en tant que président de la République après avoir changer la Constitution pour instaurer à la place du régime parlementaire en vigueur, un pouvoir présidentiel. La parade d'Erdogan est sa mesure, il dénonce comme d'habitude la justice, la police, ses rivaux et la rue, tous accusés de comploter contre son pays. Trop tard, la protesta a fait tache d'huile, d'Istanbul et Ankara, elle s'est propagée dans une dizaine de villes, pour exiger sa démission. Inflexible pour le moment, Erdogan poursuit sa contre-attaque en mobilisant ses partisans les plus zélés contre les "groupes criminels" qui, martèle-t-il, veulent mettre à bas la Grande Turquie. Le chef du gouvernement islamo-conservateur n'arrête pas d'épingler les magistrats à l'origine de l'enquête qui a abouti à l'incarcération d'une vingtaine de personnalités proches du pouvoir et causé la démission de trois ministres. "Certains magistrats, malheureusement, agissent de concert avec certains groupes criminels et en collaboration avec certains médias pour mettre en cause des gens innocents", s'époumone-t-il dans des meetings qu'il accumule non stop depuis une semaine dans les fiefs de l'AKP où il craint des défections annoncées. Vendredi, trois nouveaux députés ont démissionné de l'AKP pour dénoncer la volonté du gouvernement d'étouffer le scandale en faisant pression sur la justice, portant à cinq le nombre d'élus qui ont claqué la porte de leur camp depuis le début du scandale. La main de l'étranger et mouvements, médias et cercles d'affaires ou politiques anti islamistes convainc de moins en moins. Comme ce complot haineux orchestré par la confrérie du prédicateur Fethullah Gülen, qu'Erdogan soupçonne d'être à l'origine de l'enquête anti-corruption qui éclabousse son entourage à trois mois des élections municipales prévues le 30 mars 2014. Alliée de l'AKP depuis son arrivée au pouvoir en 2002, cette organisation a en effet déclaré la guerre au gouvernement en raison de son projet de supprimer certaines écoles privées qui assurent une bonne partie de sa prospérité financière. Erdogan qui a réintroduit dans l'enseignement public la religion version AKP pensait ainsi se débarrasser d'un sérieux concurrent qui joue aussi sur l'islam. Mal lui en est pris car Gülen a ses prolongements chez des islamistes et surtout au sein de la police et de la justice. Identique à celle qu'il avait adoptée pour contrer la fronde antigouvernementale qui a fait vaciller son gouvernement en juin, la stratégie de dénonciation d'Erdogan a été sévèrement critiquée par le chef du principal parti d'opposition. Le Premier ministre protège ceux qui sont impliqués dans la corruption. Cela signifie qu'il n'est pas le Premier ministre de ce pays, mais celui des corrompus, a lâché le président du Parti républicain du peuple (CHP) Kemal Kiliçdaroglu. D. B Nom Adresse email