Après son échec dans les pays phares du printemps arabe (Egypte, Tunisie), c'est au tour du modèle islamo-démocratique turc de montrer des signes d'essoufflement. Leçon numéro une des scandales qui frappent de plein fouet le système Erdogan: l'islamisme ne peut pas se diluer dans la démocratie et celle-ci ne peut pas non plus cheminer dans une gouvernance au nom du sacré. L'étau s'est resserré en cette fin 2013 autour du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, éclaboussé par un scandale politico-financier sans précédent qui a provoqué une vague de démissions dans son camp et de nouvelles manifestations réprimées par la police. Son modèle est en voie d'épuisement. Et ce n'est pas rien car il représentait la voie de la modernité pour les pays arabo-musulmans, tous frappés de déficit démocratique, son pouvoir ayant assuré une expansion continue de la Turquie qui a atteint la 17e place dans le classement mondial en PNB, tout en effaçant l'image d'un pays-caserne. S'il a été prudent et consensuel jusqu'à son second mandat, par la suite, Erdogan -qui a pris de l'assurance- a tombé le masque, après avoir contraint l'armée, omniprésente depuis près d'un siècle, à rentrer dans ses casernes. Les démocrates turcs y ont souscrit, attribuant à Erdogan le bénéfice du doute bien qu'il ait freiné l'entrée de la Turquie au sein de l'Union européenne, non pas au nom d'intérêts économiques mais pour préserver la civilisation de son pays déclarée spécifique au nom de l'Islam. Cette attitude n'avait pas été apprécié en son temps comme le signal qu'Erdogan était resté islamiste jusqu'au bout des ongles. Son discours d'ouverture avait enfariné les démocrates de son pays ainsi que les capitales occidentales qui avaient perçu en sa personne un rempart contre l'islamisme radical. Pas pour longtemps. Autre pilier du modèle Erdogan, les relations entre Ankara et Washington, longtemps stratégiques, vont se détériorer début 2013, Erdogan défendant à fond les factions islamistes radicales de la Syrie et en Egypte, les Frères musulmans décrétés terroristes par le pouvoir militaire du général al-Sissi qui a destitué en juillet dernier le président Mohamed Morsi islamiste pour son projet d'instaurer un pouvoir islamiste. Aujourd'hui, Erdogan accuse Obama de lui chercher des poux, sa presse appelle à l'expulsion de l'ambassadeur américain à Ankara. L'homme par qui arrivent les scandales qui ont instauré une ambiance de fin de règne en Turquie, est un certain imam Fethullah Gülen qui dirige une influente fondation islamique et qui est refugié aux Etats unis. Cette histoire reflète en fait une division profonde au sein de la mouvance islamo-conservatrice turque. Le "modèle turc" a, en effet, longtemps reposé sur une alliance idéologique entre deux courants : d'un côté, le parti d'Erdogan, l'AKP ; de l'autre, cette fondation, que dirige l'imam Fethullah Gülen et qui a trouvé écho au sein de la magistrature et chez la police! En concurrence pour dominer l'appareil d'Etat, les deux chefs de familles islamistes sont à couteaux tirés. Erdogan accuse Gülen d'être à l'origine de l'enquête en cours contre lui et les siens. Comme l'imam est installé à Philadelphie depuis 1999, le Premier ministre turc dénonce un complot venu des Etats-Unis. D. B. Nom Adresse email