Retournement de l'histoire ! L'Egypte, indifférente lorsque le peuple algérien était victime du terrorisme islamiste, a appelé les Etats arabes à appliquer un traité antiterrorisme qui priverait les Frères musulmans de leurs soutiens. Ce traité signé en 1998, à l'initiative de l'Algérie dont la lutte antiterroriste exemplaire avait fini par s'imposer dans le monde, permettrait d'empêcher l'aide et le financement de la confrérie des Frères musulmans dont est issu Mohammad Morsi, le président islamiste destitué le 3 juillet par l'armée, et forcerait les Etats signataires à extrader ses membres recherchés par Le Caire. En clair, le général Al-Sissi qui, pour l'histoire, avait choisi en personne le candidat Morsi pour inaugurer l'Egypte post-Moubarak, exige des sanctions contre la confrérie d'Al-Bâna qu'il a classée la semaine dernière comme organisation terroriste. Après la révolte de 2011 qui a renversé le président Hosni Moubarak, les Frères devaient remporter toutes les élections en Egypte. Mais les nouvelles autorités, dirigées de facto par l'armée, leur ont récemment porté le coup le plus rude de leur histoire : après un attentat contre la police ayant fait 15 morts, pourtant condamné par la confrérie et revendiqué par des djihadistes sans lien connu avec elle, le gouvernement les a déclarés "organisation terroriste". La demande de guerre totale contre les Frères a été transmise par le biais de la Ligue arabe, dont le SG est toujours Egyptien, et dont 18 des Etats membres ont ratifié le traité pour la lutte contre le terrorisme. La Ligue arabe a annoncé la veille de la fin de l'année 2013 avoir informé ses membres de la désignation "terroriste" des Frères musulmans par l'Egypte. Le traité fait obligation aux Etats signataires de "coopérer" dans la lutte contre le terrorisme, de "soutenir" tout pays arabe frappé par ce fléau. Ce qui est sûr, son application à l'égard des Frères musulmans ne posera pas de problèmes dans les Emirats, l'Arabie saoudite ou le Koweït dont les relations avec la confrérie sont exécrables. En revanche, le Qatar ne bougera pas le petit doigt, lui ayant été le principal soutien politique et financier de la confrérie. Le richissime émirat abrite, par ailleurs, de nombreux hauts responsables Frères musulmans dont le fameux cheikh égyptien Mohamed el-Qaradawi aujourd'hui recherché par la justice égyptienne. Le groupe d'information en continu Al-Jazeera, qui consacre une chaîne spéciale à la défense des Frères musulmans et à l'attaque "des putschistes" au pouvoir en Egypte est, lui aussi, visé par la demande du Caire. Les envoyés spéciaux de la chaîne au Caire ont été arrêtés et sont accusés d'appartenance à l'organisation terroriste des Frères musulmans. Selon diverses sources, la diplomatie égyptienne devrait incessamment se mettre en branle pour faire campagne pour empêcher l'aide et le financement de la confrérie des Frères et extrader ses membres recherchés par Le Caire. Les Frères musulmans, créés en 1928 en Egypte, ont essaimé et sont désormais présents dans la majorité des pays arabes ainsi qu'au sein de communautés musulmanes partout dans le monde occidental. Pour échapper à l'implacable répression lancée par le général Al-Sissi avec l'approbation d'acteurs du printemps du Nil désillusionnés par les velléités pharaoniques de Morsi et le projet des Frères d'établir l'ordre charaïque, qui a fait plus de 1 000 morts et des milliers d'arrestations parmi les islamistes, plusieurs responsables du mouvement ont fui l'Egypte. Le bureau de la communication des Frères musulmans est désormais basé en Grande-Bretagne. Le pays de sa majesté n'a pas l'air d'avoir tiré la leçon d'un passé récent où Londres était La Mecque des djihadistes ! Dans le cadre de cette chasse aux islamistes, la justice égyptienne a condamné 139 pro-Morsi à deux années de prison ferme pour des violences survenues en marge de manifestations le 15 juillet au Caire. L'Egypte a également gelé les avoirs de 572 dirigeants des Frères musulmans. Par ailleurs, un total de 87 écoles privées liées aux Frères seront placées sous la supervision du gouvernement tandis que 1 055 ONG ayant des liens présumés avec les Frères sont fermées, leurs biens et avoirs bancaires saisis. Reste de savoir si Le Caire va convaincre les capitales autres que celles du Golfe anti-Frères pleinement wahhabites. D. B Nom Adresse email