Au moins 11 soldats ont péri hier, dans un attentat à la voiture piégée dans le Sinaï égyptien, où les attaques contre les forces de l'ordre se sont multipliées depuis que l'armée a destitué, en juillet, le président islamiste, Mohamed Morsi. Un peu plus tôt au Caire, quatre policiers, dont un officier, ont été blessés quand des inconnus ont jeté une bombe sur un des innombrables postes de contrôle routier dont la capitale égyptienne est truffée depuis la mi-août. A cette date, l'armée et la police ont tué au Caire des centaines de manifestants pro-Morsi, début d'une implacable répression qui a fait plus d'un millier de morts dans les rangs des islamistes. Depuis, des dizaines de policiers et militaires ont été tués dans des attentats dans le Sinaï, péninsule proche d'Israël et de Ghazah en proie depuis longtemps à des violences de groupes armés djihadistes et de tribus de bédouins hostiles au pouvoir central. Tôt hier matin, près d'Al-Arich, chef-lieu du nord du Sinaï, une voiture a explosé au passage d'un autobus qui transportait des soldats, faisant 11 morts et 34 blessés, certains sont dans un état critique, a annoncé l'armée. Le 19 août, une embuscade contre un convoi de policiers près de Rafah, le point de passage vers la bande de Ghaza, avait fait 25 morts dans les rangs des policiers dans l'attaque la plus meurtrière depuis des années dans le Sinaï. Le 5 septembre au Caire, un kamikaze avait fait exploser prématurément sa voiture piégée au passage du convoi du ministre de l'Intérieur -accusé par les islamistes d'avoir orchestré le massacre du 14 août. Le ministre, Mohamed Ibrahim, en est sorti indemne. La plupart des attaques récentes dans le Sinaï et au Caire ont été revendiquées par des groupes liés à Al Qaïda, en représailles selon eux au «coup d'Etat» de l'armée et à la répression sanglante qui s'est abattue sur les partisans de M. Morsi. Même si les attentats sont généralement revendiqués par des groupes djihadistes, le principal étant Ansar Beit al-Maqdess, qui a fait allégeance à Al Qaïda, le gouvernement les attribue volontiers aux «terroristes» Frères musulmans. Cette influente confrérie, dont est issu M. Morsi, avait largement remporté les législatives de la fin 2011, quelques mois après qu'une révolte populaire eut chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak dans la foulée du Printemps arabe. Les autorités ont, par ailleurs arrêté, plus de 2 000 Frères musulmans depuis le 14 août, dont la quasi-totalité de leurs leaders, jugés, à l'instar de M. Morsi en personne, notamment pour «incitation au meurtre» de manifestants lorsqu'ils étaient au pouvoir. M. Morsi est le premier Président élu démocratiquement en Egypte. Le nouvel homme fort du pays, le général Abdel Fattah al-Sissi, vice-Premier ministre, ministre de la Défense et commandant en chef de l'armée, avait invoqué, pour justifier sa destitution, les millions d'Egyptiens descendus dans la rue le 30 juin pour réclamer son départ après l'avoir accusé de monopoliser le pouvoir au profit des Frères musulmans et de vouloir islamiser la société à marche forcée. Le 3 juillet, le général Sissi avait demandé au Président et au gouvernement qu'il venait de nommer de promouvoir une nouvelle Constitution et d'organiser des élections législatives et présidentielles au premier semestre 2014. Mardi, pour la première fois depuis juillet, ce ne sont pas des manifestations islamistes, mais des mouvements laïques de la jeunesse, relativement minoritaires mais hostiles aux militaires comme aux Frères musulmans, qui ont manifesté au Caire contre le nouveau pouvoir. Ces rassemblements sur la place Tahrir ont été émaillés de heurts entre opposants et partisans de l'armée. Au moins deux personnes sont mortes et 26 ont été blessées sur cette place, épicentre de la révolte de 2011 contre Moubarak. La police a dû envoyer les blindés pour disperser les manifestants. R. I.