A l'heure où les conflits confessionnels envahissent le Moyen-Orient, une conférence a été organisée, le 09 janvier dernier, à la Maison de l'avocat de Beyrouth, à l'initiative de l' association « Youth for Development ». Le thème tournait autour de la possibilité de suppression de la notion « confession » des registres d'état civil, et l'extrait d'état civil. Un sujet, certes ancien, mais très débattu ces derniers temps au Liban. Dans une salle pleine, des avocats, de jeunes juristes, des juges, des chercheurs, et des représentants de la société civile, se sont réunis pour répondre aux questions sur la situation juridique des citoyens qui ont « supprimé » leur confession. Ils ont tenté aussi de montrer l'impact de cette démarche sur le mariage, le divorce, l'héritage, la succession, et la possibilité de postuler à la fonction publique, ou tout simplement le droit de vote ! L'assistance a conclu que la suppression de la confession était « un défi » relevé par ces libanais, afin de construire un « Etat laïc », « un Etat message » malgré toutes les sortes de menaces subies, surtout sur le plan social et juridique. « Un Etat message » C'est la célèbre qualification du Liban par le Pape Jean Paul II lors de sa visite au Liban en mai 1997, «le Liban est plus qu'un pays, le Liban est un message» Depuis, les libanais ne cessent de se répéter cette phrase, en espérant sauver leur pays de tout genre de conflit et surtout les conflits religieux qui ont détruit, à plusieurs reprises, la « Suisse du Moyen-Orient », surtout entre 1975 et 1990. Mais la suppression de la confession pourrait-elle sauver ce pays ? Le Liban, par sa géographie, sa composition pluriconfessionnelle, et sa démographie religieuse, se donnait pour vocation d'être une terre de dialogue islamo-chrétien, et un pont entre L'Orient et l'Occident. Cependant, la question se pose est : est-ce que les systèmes constitutionnels, politiques, et sociaux actuels permettent au Pays des Cèdres d'accomplir cette mission ! Le Liban est caractérisé toujours par une " mosaïque remarquable des religions ". On peut ainsi définir dix-huit communautés: arménienne catholique, arménienne orthodoxe (grégorien), chaldéenne, copte orthodoxe, grecque catholique (melkite), grecque orthodoxe, latine (catholique romaine), maronite, orientale assyrienne orthodoxe (nestorienne), syrienne catholique ,syrienne orthodoxe (jacobite), évangélique protestante, israélite, alaouite, chiite (djafarite), ismaélite, sunnite, et enfin druze. Cependant la richesse et la diversité des religions au Liban ne signifient pas nécessairement la laïcité de ce pays. En revenant un peu en arrière, alors que l'appartenance religieuse étaient bien « visibles » sur les cartes d'identité les miliciens avaient commis des crimes contre l'humanité, durant la guerre civile, en se basant sur la communauté à laquelle appartenait la victime. C'est ce qui était appelé «l'assassinat à la carte d'identité ». Quand la guerre civile a pris fin en 1990, les libanais ont essayé de fonder un Etat laïc et fort à travers des changements constitutionnels. Ils se sont mis d'accord, à travers le préambule de la constitution, que la suppression du confessionnalisme politique constitue un but national et essentiel et que tous les citoyens libanais sont également admissibles à tous les emplois publics sans autre motif de préférence que leur mérite et leur compétence et suivant les conditions fixées par la loi. Mais la constitution a réservé un statut spécial qui régira les fonctionnaires de l'Etat suivant les administrations auxquelles ils appartiennent (article 12 de la constitution). De même, La Chambre des députés reste composée par des membres élus, et cela en se basant sur l'égalité entre chrétiens et musulmans et proportionnellement entre les communautés de chacune de ces deux « catégories » (article 24 de la constitution). De même, la mention de la confession a été supprimée des cartes d'identité mais pas des registres d'état civil, et l'extrait d'état civil. La confession était jusqu'à alors nécessaire dans toute démarche administrative et professionnelle, surtout dans les domaines publics. Vingt trois ans après, les Libanais n'ont pas réussi à trouver une solution pour créer un Etat dit « civil et laïc », où les confessions sont mêlées au plan politique et social de l'Etat. Il y'a trois ans le ministre de l'Intérieur, Ziad Baroud, avait publié une circulaire (l'arrêt 2/99) qui donnait le choix à chaque citoyen libanais d'enregistrer, ou pas, sa confession dans la fiche d'état civil. Néanmoins, cette décision historique n'a pas réussie à assurer une bonne protection pour les citoyens qui avaient décidé de se libérer de toutes les limitations confessionnelles pour créer un « Etat laïc ». Toutefois elle constituait un pas en avant pour les citoyens. Selon les données de certaines ONG plus de 12000 citoyens ont décidé de supprimer la confession de la fiche d'état civil et de l'extrait civil. Quoique, les citoyens qui l'ont supprimé n'ont pas des réponses claires sur la possibilité de postuler à la fonction publique, car cette dernière qui prend toujours en considération l'aspect confessionnel. Ainsi, depuis cette décision " symbolique", certains libanais utilisent une nouvelle expression : « la communauté 19 » qui tente d'atteindre son régime juridique, politique et sociale. Le but a atteindre est que les citoyens puissent enfin avoir des lois communes non fondées sur la religion, et qu'ils puissent bénéficier d'un traitement légal. Cette communauté recherche aussi « un pays laïque » pour tous les libanais sans prendre en considération « leur religion ou confession », mais avec un respect totale des religions. Reste la question : Cette nouvelle communauté peut-elle sauver cet "Etat impossible" qu'est le Liban ? ou bien le système communautaire libanais va-t-il rester un obstacle à toute cohérence politique et sociale ? Nadine Arafat http://www.liberte-algerie.com/liban/le-droit-du-peuple-libanais-de-vivre-en-paix-213308 Nom Adresse email