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“Il existe une volonté politique de réviser le code de la famille�
Mme Nouara Djaâfar, ministre déléguée à la famille à Liberté
Publié dans Liberté le 08 - 03 - 2004

Esquissant la condition féminine en Algérie, la ministre déléguée à la famille reconnaît qu’il est grand temps d’amender les articles jugés injustes envers les femmes.
Liberté : Mme la ministre, il existe un texte de loi qui régit la famille. Une commission que vous parrainez avec les autres femmes ministres prépare des propositions d’amendement à ce texte. Il est attendu, ce 8 mars, du président de la République d’annoncer la révision de ce code…
Mme Nouara Djaâfar : Le code de la famille est en vigueur, il est vrai depuis vingt ans. Ce texte de loi contient effectivement des articles injustes envers la femme. Le président de la République a demandé au ministre de la Justice et aux cinq femmes ministres d’installer une commission de réflexion sur la révision de cette loi. Cette commission a été installée et a commencé à travailler sur ce projet. Je ne peux pas me permettre, par respect pour les autres membres de la commission de vous affirmer que les résultats de la commission seront annoncés ce 8 mars ou que le code de la famille sera immédiatement amendé. Je peux vous dire, néanmoins, que le débat auquel j’ai assisté au sein de la commission est mené avec sérieux. Il y a consensus sur la nécessité d’amender certains articles du code de la famille qui lèsent les droits des femmes. Je vous cite, à titre d’exemple, les points liés au logement conjugal et au divorce abusif. Je suis optimiste du travail accompli.
Il y a eu, par le passé, de nombreuses démarches portant sur la révision du code de la famille. Elles n’ont jamais abouti. N’en serait-il pas de même pour cette énième commission ?
Je peux vous assurer qu’il y a une grande volonté politique en faveur de la révision du code de la famille. D’autant que ce texte n’a pas empêché, dans la réalité, les femmes de livrer des batailles pour la démocratie, d’accéder à des postes de responsabilité très importants (ministres, magistrates, présidentes de cour, chefs de daïra… leur nombre n’est peut-être pas élevé, mais je crois que nous, les femmes, avons arraché des acquis importants).
Il n’en demeure pas moins que le texte reste dangereux pour les catégories vulnérables, dont les femmes rurales. Ces femmes responsables que vous avez évoquées représentent, en quelque sorte, l’exception…
Ne me dites pas qu’une magistrat n’a pas le pouvoir de changer les mentalités. Quoi qu’il en soit, ce qui a été proposé comme amendement dans le code de la famille constitue une grande avancée pour les femmes algériennes. Au-delà , il faut améliorer la condition féminine. Le gouvernement donne la priorité aux femmes en matière d’octroi des microcrédits. Lors du dernier conseil de gouvernement, il a été décidé la création de centres d’accueil pour les femmes en difficulté.
Vous dirigez, depuis octobre 2003, le ministère délégué à la famille. Quelle appréciation faites-vous justement de la condition féminine ?
Quand je l’ai pris en charge, en automne dernier, j’ai commandé une étude sur la connaissance, la situation de la famille en Algérie. Nous avons constaté que cette famille n’est plus celle des années 1980 et 1990, elle a subi des mutations profondes. Elle tend de plus en plus vers la forme nucléaire, elle s’urbanise, elle a des besoins nouveaux (logement, scolarisation, emploi...). Cette étude a abouti à l’installation de trois commissions chargées de prendre en charge des questions liées à la protection de l’enfance, à la promotion de la situation de la femme, son insertion dans la vie socioéconomique et enfin la protection des couches défavorisées de la société.
Est-ce que l’étude que vous avez commandée a donné des résultats chiffrés sur la vulnérabilité de la femme algérienne ?
Oui bien sûr. Elle a confirmé que l’analphabétisme touche plus les femmes que les hommes, et davantage celles qui ne vivent pas dans les centres urbains. Environ 39% des femmes rurales sont analphabètes. La proportion diminue au fur et à mesure qu’on s’approche des villes. Heureusement que la scolarisation des filles, âgées de 6 à 14 ans, a pris une tangente ascendante depuis 1966. Le taux de scolarisation des filles a gagné 3,84 points par rapport à 1990. Il est presque à 100% dans les classes primaires, moyennes et secondaires. Les Nations unies recommandent d’atteindre ce taux à l’horizon 2015. L’Algérie l’a déjà réalisé. Les déperditions scolaires commencent à partir de la terminale.
Mais là aussi le phénomène s’inverse. Actuellement, les parents tiennent à ce que leurs filles aillent le plus loin possible dans les études.
Qu’en est-il de l’emploi féminin ?
En 2002, le taux de la population féminine active a été estimé de 19,7% de la population globale. Il était de l’ordre de 2% au recensement de 1966 et de 10% à celui de 1990. Le nombre des femmes travailleuses a augmenté, durant la dernière décennie, beaucoup plus rapidement — dix fois plus — que la population masculine. Il me semble que la menace terroriste a mis les femmes en défi de continuer à se battre. à titre d’exemple, le personnel du secteur de la santé, déserté par les praticiens pendant les années du terrorisme, est actuellement constitué de 54% de femmes. Elles occupent 52% des postes du secteur de l’éducation. Autre remarque, les femmes occupées ou à la recherche d’un emploi sont, en général, plus jeunes que les hommes. Près de 56% des femmes actives sont âgées de moins de 40 ans, dont la moitié appartient à la tranche des 25-29 ans et 21% sont âgées entre 20 et 24 ans. Ce qui signifie que les femmes travaillent à un âge où elles assument moins de charges familiales. C’est à ce niveau que le ministère chargé de la famille intervient, en sensibilisant sur la nécessité d’ouvrir des crèches à proximité des lieux de travail afin de permettre aux mères de ne pas abandonner leur emploi pour élever leurs enfants. En parallèle, le travail informel chez les femmes est passé de 220 000 activités en 1992 à 557 000 en 1996. Je n’ai pas de statistiques plus récentes sur ce point. En conclusion, je dirai que l’emploi féminin n’a pas encore atteint des proportions remarquables, mais il évolue de manière positive.
S. H. et S. L.


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