Ce spécialiste aborde l'importance des petits agriculteurs dans l'amélioration de la sécurité alimentaire. Liberté : Dans un pays comme l'Algérie où les défis de la sécurité alimentaire se posent de manière accrue, nous dépendons pleinement des importations. Comment l'agriculture familiale peut répondre à ce défi ? Omar Bessaoud : L'agriculture familiale, ce sont tous les petits agriculteurs, tous les paysans. Ceux qui occupent aujourd'hui l'espace agricole. Les familles, les exploitants que vous rencontrez dans les montagnes. C'est beaucoup de petits agriculteurs. Pour la plupart, ils ont un lopin où ils développent leurs propres cultures. Ils produisent du blé, de l'orge, du blé tendre, donc de la farine. Leur propre sécurité, ils l'ont assurée. Une bonne partie a donc sa réserve en blé, en huile parfois. Cela est une production mais ce n'est pas une offre. Cette production n'est pas déclarée. Elle ne s'ajoute pas. C'est vrai aujourd'hui on est un grand importateur et on le restera à vie. Il ne faut pas rêver. Sauf évidemment si on réduit de trois quarts notre consommation de pain, de couscous et de pâtes alimentaires. Il faut savoir que sur les céréales, l'Algérie n'a pas de capacités énormes. On peut nous améliorer, mais nous ne pouvons pas être autosuffisants. D'ailleurs, aucun pays n'est autosuffisant. Pour l'Europe, c'est toute l'Europe qui a sa sécurité alimentaire. En dehors de la France, aucun pays pris à part n'a d'autonomie alimentaire. Moi je pense que la sécurité alimentaire ne passe pas uniquement par l'agriculture. C'est développer les capacités économiques et industrielles qui font que nous ne serons pas dépendants uniquement du marché, du pétrole et de son prix pour importer notre alimentation. L'un des plus grands pays importateurs est le Japon. Est-ce qu'il est en insécurité alimentaire ? Non. Parce que c'est une puissance industrielle et financière qui lui permet d'aller s'approvisionner. Si on prenait juste l'exemple du lait. On dit que nous vivons des crises laitières cycliques parce que nous ne disposons pas de grands élevages ? Non. L'Algérie n'est pas un pays à vocation bovin laitier. C'est un pays à vocation pastorale d'ovin et de caprin. Le bovin, c'était dans les montagnes. Vous aviez deux ou trois bovins qui approvisionnaient la famille. Mais le bovin laitier, intensif, pour approvisionner des laiteries, c'est quelque chose de nouveau. Et puis, quel est le problème du bovin laitier aujourd'hui ? Ce n'est pas la vache. On a importé un million de vaches laitières sur ces dix ou quinze dernières années. Cela a amélioré la situation mais cela n'a pas réglé la question du lait. Pourquoi ? Parce que nous avons aujourd'hui un problème d'approvisionnement en aliments de bétail. Or l'aliment de bétail c'est quoi ? C'est le fourrage, c'est le maïs, ce sont les produits composés. Est-ce que l'Algérie est en mesure de les fournir ? Non. Elle n'est pas en mesure de les fournir. Aucun pays d'ailleurs, même pas le Maroc. En amont, lorsqu'on prend les aliments de bétail, ils sont pour les trois quarts importés. Or c'est ça qui coûte cher. Ce n'est pas la vache. Dans le prix du lait, l'aliment du bétail et l'approvisionnement du bétail c'est en gros 60% du coût. Reste qu'au final, la grande agriculture est incontournable... Je ne dis pas qu'elle n'est pas incontournable. Je ne dis pas qu'il faut la délaisser. Moi ce que je conteste, qu'on lui réserve la place qu'il faut. C'est l'agriculture. Ce n'est pas la seule agriculture. C'est tout. Il faut rééquilibrer. Redonner les moyens aux petits agriculteurs qui sont aujourd'hui marginalisés. C'est tout. S. S. Nom Adresse email