Il convient de rappeler que le lait constitue un produit de base dans le modèle de consommation algérien. Du fait de son bas prix –subventionné par l'Etat- les populations à faibles revenus recourent généralement à la consommation de lait afin de combler le déficit en protéines d'origine animale né, du reste, des prix coûteux d'autres protéines comme la viande par exemple. Le lait peut constituer un substitut aux fruits de saison pour certaines catégories de ménage, en raison des prix généralement très élevés de ces derniers. A noter également que la consommation de lait a fortement augmenté, ces dernières années, sous le double effet de la croissance démographique et du soutien par l'Etat des prix de ce produit. Dès lors que la production nationale de lait est nettement en recul par rapport à la demande, estimée à 3,5 milliards de litres par an pour une capacité de production maximale de 2 M/l/an, le recours à l'importation est devenu inéluctable. Au fil des ans, la part du lait dans les importations alimentaires du pays n'a cessé d'augmenter (environ 20%). Ce qui veut dire en clair que la production de lait dans les élevages a été surtout marquée par une faible croissance comparativement à la consommation. Les différents plans de développement accusent des faiblesses Sur le terrain, il est facile de déduire que les quelques mesures incitatives mises en œuvre jusqu' à présent par les pouvoirs publics pour encourager la production de lait dans les exploitations n'ont pas eu d'impact significatif. L'état des lieux fait ressortir que les mesures d'appui à l'élevage (consistant, générament, en la fourniture de matériel de traite et de réfrigération) mises en œuvre par les offices laitiers au profit des producteurs et la revalorisation périodique du prix du lait cru ont été largement insuffisantes. Selon un agronome versé dans l'élevage de vaches laitières, rencontré au Silait, «l'intervention de l'Etat, au niveau de la filière, a porté essentiellement sur la partie en aval, négligeant le volet intensification de la production laitière en amont». Cet autre producteur de lait implanté dans la wilaya de Blida, possédant une cinquantaine de vaches laitières, nous dira pour sa part : «Certes, l'Etat nous a encouragés à produire plus en soutenant le lait produit à hauteur de 7 DA le litre. Mais cela reste dérisoire de nos jours si l'on tient compte du coût de revient à la production, du prix de l'aliment du bétail» [4500 DA le quintal : lire encadré.] Pour ce dernier, c'est à ce niveau que l'Etat doit intervenir «en mettant en place un mécanisme de subvention des prix de l'aliment comme il l'assure aux consommateurs», renchéri-t-il. Il déplorera aussi le fait que la tutelle continue à penser que l'autosuffisance en lait reste tributaire en grande partie de l'effectif de vaches. Et pour mieux étayer ses dires, il nous rappellera : «Nous n'arrêtons pas depuis une décennie d'importer des vaches laitières sans pour autant récolter des résultats. Nos importations de poudre de lait sont tout aussi importantes.» Ce que d'ailleurs confirment nombre d'acteurs dans le circuit de la filière lait. En précisant, au passage, que la progression des effectifs opérée, notamment depuis 1980, est surtout due à l'importation par l'Etat de vaches laitières à haut rendement mais sans pour autant influer sur le volume des importations en poudre de lait, le croît interne du cheptel bovin n'ayant que très faiblement contribué à la croissance de la production de lait crue. La plupart des vaches laitières importées ont des rendements très en deçà de leur capacité réelle A en croire des éleveurs professionnels rencontrés sur place, les vaches laitières importées, pour la plupart de race pie noire, dont on dit qu'elle est la mieux adaptée à nos conditions climatiques et pastorales, se retrouvent à produire tout au plus la moitié de leur capacité réelle de traite. Par ailleurs, selon une étude menée sur le terrain par un spécialiste hollandais, l'environnement dans lequel évolue notre cheptel bovin est de loin non conforme pour une bonne production de lait. Toujours selon cette source, les vaches ont des rations alimentaires déficientes car constituées essentiellement de fourrage grossier, le plus souvent de paille auquel le son et le pain de farine servent de complément. Une tendance qui serait due, selon nos interlocuteurs, au fait que la surface fourragère par rapport au nombre de têtes de bovins est en déficit. Situation aggravée par la faible pluviométrie dans certaines régions du pays où l'élevage bovin est de tradition. Par ailleurs, les espèces de fourrage cultivées, dont les rendements ne dépassent pas 15 quintaux à l'hectare, sont généralement de faible valeur nutritive et ne permettent pas d'obtenir des rendements satisfaisants. Une telle situation constitue forcément une contrainte à la mise en place d'un système de production laitière intensif. Ajoutons à cela les élevages qui sont souvent confiés à des personnes non qualifiées. Un autre constat des plus alarmants souligné par l'auteur de l'étude : un taux de mortalité élevé du fait de négligences sanitaires et de la non-maîtrise de la reproduction. Ce qui traduit le caractère peu productif du cheptel laitier mené essentiellement en extensif au niveau des exploitations. Selon ce bilan, on ne peut parler de rendements dans les exploitations laitières à partir du moment où l'accroissement enregistré est surtout le fait d'une augmentation des effectifs. Des mesures d'appui en amont «Si jusqu'à présent l'intervention de l'Etat, au niveau de la filière lait, a porté essentiellement sur un élargissement du marché par des mesures de soutien des prix à la consommation, il n'en a pas moins négligé l'intensification de la production en amont», soutiennent des producteurs de lait cru. Selon eux, pour échapper aux fluctuations des cours mondiaux de la poudre qui pèsent lourdement sur la facture d'importation alimentaire, «il faut aller au plus vite vers la mise en place d'un système de production intensif et engager une dynamique d'intégration, au sein de la filière, entre les industries laitières et les bassins laitiers.» Une perspective à exploiter quand on sait que notre industrie laitière est complètement, sinon en partie, déconnectée des périmètres laitiers. En effet, une très faible part de ses besoins est couverte par la production des exploitations laitières alors que ces dernières (NDLR : l'industrie laitière) ont été conçues initialement pour être le débouché d'un système de production laitière intensif. Qu'en est–il aujourd'hui ? Elle se limite simplement au rôle d'une industrie substitutive d'importation totalement intégrée au marché mondial pour ce qui est de ses approvisionnements en poudre de lait et en matières grasses de lait anhydre. Z. A.