Après un premier report, c'est hier matin que s'est ouvert le procès de Jamel G., caricaturiste du quotidien régional La voix de l'Oranie, poursuivi par son ex-employeur et inculpé depuis le mois de novembre 2013 pour "outrage au président de la République, abus de confiance et tentative de nuire au réseau de l'entreprise". Après plus d'une heure de débat, la peine requise par le procureur, soit 18 mois de prison ferme et 200 000 DA d'amende, a jeté le trouble dans une salle d'audience où, parfois, les présents ne pouvaient s'empêcher d'esquisser un sourire vu la teneur des échanges. Cette affaire, qui a fait un grand bruit depuis l'inculpation du caricaturiste, soumis, ensuite, durant plus d'un mois, à un contrôle judiciaire strict, a de quoi choquer et surprendre tous les observateurs. Et pour cause, Jamel G. a dû s'expliquer hier devant le juge pour une de ses caricatures qui n'a jamais été publiée et qui serait attentatoire au président de la République. Cette "anomalie" est venue de la plainte de l'employeur qui a accusé son caricaturiste de l'époque d'avoir tenté de faire passer à leur insu la fameuse caricature, d'où la teneur des chefs d'inculpation faisant référence à l'abus de confiance et la tentative de nuire au réseau pour l'avoir utilisée frauduleusement. Le déroulé du procès avait justement toute cette ambiguïté qui transparaît, où un juge demandait à l'inculpé comment il faisait ses caricatures, à qui et à quel moment il les transmettait, comment se faisait la mise en page du journal, avait-il la possibilité ou la responsabilité de placer ou de retirer ses caricatures, à quelle heure avait lieu le bouclage, en présence de qui... et ainsi de suite. Le fait que ladite caricature n'ait jamais été publiée a été quasiment occulté, mais la défense du caricaturiste tentera de ramener le débat sous cet angle. En effet, l'avocat fera remarquer qu'au fond, il ne peut y avoir une vérité ou une seule lecture d'une caricature, que c'est une question d'interprétation et d'autant plus qu'il s'agit d'une caricature qui ne sera jamais publiée. Sur cet aspect, le juge refusera de se voir embarquer dans une telle orientation du débat. D'ailleurs, les avocats de la direction de La voix de l'Oranie, qui appelleront pas moins de cinq témoins, tous travaillant dans le même journal, et tenteront, d'une certaine manière, d'engluer le procès en ne mettant en relief que les questions techniques d'accès au réseau du journal, le montage, la mise en page. Pourtant, l'un des avocats du plaignant, qui s'est constitué partie civile pour "outrage au président de la République", estimera que Jamel G. a bel et bien tenté de nuire au journal en essayant de remplacer la caricature du jour par celle qui lui a valu des poursuites judiciaires, qualifiant même cette caricature de dessin "qui secoue, fait trembler". Intervention du juge qui demande : "Expliquez-moi comment ce dessin izaâzaâ !" Rires dans la salle. La direction de La voix de l'Oranie jugera son préjudice dans le fait que ladite caricature "aurait pu leur valoir des poursuites judiciaires ou des sanctions financières", néanmoins seul le dinar symbolique sera demandé par leurs avocats. Sur cet aspect, les défenseurs de Jamel G. feront remarquer que la direction du journal n'avait pas la compétence ou la qualification de poursuivre et de se constituer partie civile dans le cas de l'outrage au Président, seuls le chef de l'Etat ou le procureur qui s'autosaisit pouvait le faire. Ce qui ne fut pas le cas. L'inculpé niera avoir tenté de manipuler quoi que ce soit en tentant de faire "passer frauduleusement sa caricature attentatoire", d'autant que techniquement, il n'en avait pas la possibilité. Il ajoutera que celle-ci n'était qu'un brouillon, un dessin brut non signé et non daté. Assumant ce qu'il exprimait dans une caricature lui appartenant, et donc étant sa liberté d'expression et de penser, à savoir qu'avec un 4e mandat, le peuple se retrouverait tel un mineur sans fin. Par contre, il y aura peu de place également au conflit social opposant Jamel G. à son employeur au moment de l'éclatement de l'affaire, à savoir une plainte pour 7 années de salaires impayés. Au final, le verdict a été mis en délibéré pour le 4 mars prochain, en pleine campagne électorale. D. L Nom Adresse email