Il n'est pas aisé d'être caricaturiste de presse en Algérie. Ghanem Djamel vient de l'apprendre à ses dépens. Ce caricaturiste de 38 ans, travaillant dans un journal oranais depuis 2007, affirme «se retrouver aujourd'hui sous contrôle judiciaire pour avoir dessiné une caricature portant quelque insinuation sur la maladie du président de la République et de sa volonté de briguer un quatrième mandat». Ce caricaturiste est venu à notre rédaction pour dénoncer cette poursuite judiciaire. «Cette caricature n'avait même pas été publiée, mais cela n'a apparemment pas empêché une juge d'instruction d'activer la machine judiciaire à mon encontre», dit-il, en nous exhibant une convocation qui lui été envoyée pour se rendre à la chambre d'accusation près le tribunal pénal d'Oran. L'affaire étant en instruction, c'est le black-out au niveau du pôle pénal de Sidi Djamel, où aucune information n'a filtré sur cette affaire. Concernant l'objet du «délit», on y voit un homme dans une pharmacie, demandant des couches pour bébé. Le pharmacien lui répond : «Quel mandat ?», ce à quoi le bonhomme réplique : «Quatre.» «A cause donc de ce dessin, qui plus est même pas signé, le juge d'instruction a pris la décision de me poursuivre pour offense au président de la République», relate-t-il. «Cette caricature, ni finie ni signée, était en fait destinée à des journaux électroniques. Mon rédacteur en chef par intérim l'a interceptée dans les réseaux de la rédaction. J'ai eu beau expliquer que le dessin n'était pas destiné à son journal, j'ai été quand même convoqué pour sanction disciplinaire et suspendu du journal pour une durée indéterminée. Un mois après, à mon grand étonnement, je reçois une convocation du pôle pénal d'Oran pour tentative de nuire à une entreprise et pour outrage au Président», nous dit le caricaturiste. Contacté par nos soins, un des responsables du journal en question n'a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet. Travaillant en qualité de caricaturiste depuis 2001, Ghanem Djamel, qui signe dans son journal actuel sous le pseudonyme «Djame Lee», a travaillé un peu partout dans les journaux, aussi bien arabophones que francophones. La décision de le mettre sous contrôle judiciaire l'a pris de court, ne lui laissant pas même le temps ni encore moins les moyens de se trouver une assistance judiciaire. Cette affaire démontre, encore une fois, combien les vieux réflexes autoritaires sont ancrés au sein du pouvoir et que tous ces beaux discours sur la prétendue liberté d'expression en Algérie ne sont en fait que de la poudre aux yeux.