Pour discuter des différentes facettes que peuvent prendre les discriminations contre les femmes dans les médias, plusieurs experts ont été conviés à intervenir, chacun dans son domaine. La femme est la moitié de l'homme. Cette image met en évidence la complémentarité entre les deux genres. Mais pour les femmes du monde entier, notamment les Algériennes, cet adage est une réalité qui se traduit, littéralement, dans le comportement de la société. La femme est un objet, une mère nourricière. Elle est la fille d'un homme, l'épouse d'un homme. En islam, il faut deux femmes pour témoigner alors qu'un seul l'homme suffit. De même en matière d'héritage, elle a droit à la moitié de ce qui revient à l'homme. Des stéréotypes, des idées misogynes et des pratiques religieuses rétrogrades que les médias participent à entretenir et à véhiculer. Quelle place occupe la femme dans les médias ? Telle était la question posée à un panel d'experts, à l'occasion d'un séminaire organisé, hier, à l'hôtel El-Aurassi, par l'association Femmes en communication, en collaboration avec Media Diversity Institute (MDI) et l'ambassade de Grande-Bretagne. C'est justement pour combattre ces stéréotypes dans les médias que travaille l'institut britannique. "MDI œuvre pour la promotion de la diversité dans les médias", explique Mme Dasha Ilic, responsable de la communication de MDI. Cette ancienne journaliste de la BBC estime que l'Algérie n'échappe pas au contexte international. "À travers le monde, les hommes sont cités trois fois plus que les femmes dans la presse." Elle note également des discriminations contre les femmes dans l'accession aux postes à responsabilité alors que celles-ci sont de plus en plus nombreuses dans la profession. De même, elle s'étonne de voir très peu de journalistes femmes responsables de rubriques sportives (3%), ou encore très peu de femmes d'âge mûr à la télévision. "Les médias doivent refléter toutes les tranches de la société, nous plaidons pour la diversité dans toutes ses dimensions : les genres, les origines, les âges..." Pour discuter des différentes facettes que peuvent prendre ces discriminations contre les femmes dans les médias, plusieurs experts ont été conviés à intervenir, chacun dans son domaine. Mme Ouarda Lebnane, qui a réalisé une étude sur la télévision algérienne dans le cadre d'un programme de l'Unesco, a pu dégager certaines tendances. D'abord, elle relève une quasi-absence de femmes interviewées dans les reportages, notamment dans le journal de 20h, mais aussi sur les plateaux de débats. "Les femmes à la télévision algérienne sont reléguées aux émissions sur les thématiques : vie de famille, cuisine, jeunesse, culture... alors que le nombre des présentatrices est supérieur à celui des présentateurs", affirme-t-elle. Un paradoxe que note également Mme Intissar Rachdi, coordinatrice de projet pour le MDI au Maroc. "Les programmes féminins sont focalisés sur la maison, la cuisine, la famille et l'éducation. Les médias ne reflètent pas la place réelle de la femme dans nos sociétés, et ce, malgré une forte proportion féminine dans les effectifs des entreprises de presse", relève-t-elle. Ce docteur en sociologie des médias plaide pour la mise en place de quotas obligatoires. "Pourquoi ne pas aller vers des politiques de discrimination positive envers les femmes dans les médias ?" s'interroge-t-elle. De son côté, la sociologue Fatima Oussedik était invitée pour parler de l'image de la femme dans la caricature de presse. Elle énumère les nombreux cas de représentations peu flatteuses, comme par exemple l'image de "la mère nourricière". Elle profite de l'occasion pour lancer un appel aux caricaturistes, notamment à Dilem, afin qu'ils fassent preuve de moins de misogynie. Malika Laïchour comme Djamila Zekaï ont, quant à elles, parlé de l'image de la femme dans le cinéma et le théâtre algériens. Toutes deux évoquent une marginalisation de la femme dans le domaine artistique. Mme Malika Laïchour, elle-même réalisatrice, pense que l'image de la femme dans le cinéma algérien est imprégnée d'un certain "goût du passé". "Il y a des romancières et des actrices, mais rares sont les écrivaines pour le théâtre", interpelle Djamila Zekaï. Sans sa présence, le panel aurait pu être composé d'expertes uniquement. Saïd Djabelkheïr, seul conférencier homme, a néanmoins fait un passage remarqué. Il est intervenu sur l'image de la femme dans les chaînes religieuses. "Dans le discours médiatique religieux, la femme est un corps qui doit d'abord être couvert", analyse-t-il. M. Djabelkheïr cite les exemples des chaînes El-Chourouk et le groupe MBC dont "le fonds de commerce est la religion". Mais il réfute les messages qui y sont véhiculés et estime que "les présentateurs des chaînes religieuses sont majoritairement des hommes et ce sont eux qui parlent au nom des femmes, qui sont souvent diabolisées". Il note également certaines tendances dans le choix des messages véhiculés par ces chaînes et appelle les médias à proposer plus de programmes éclairés. La communication du docteur en charia et spécialiste du soufisme a autant offusqué que plu. De fait, il avait en face de lui un auditoire quasi-exclusivement féminin et féministe. Un féminisme algérien qui a changé de visage. Loin de la représentation de la féministe laïque, plus de la moitié des femmes présentes étaient voilées. A H Nom Adresse email