Malgré la féminisation des médias, l'image de la femme qu'ils véhiculent ne cadre pas avec les luttes pour l'égalité, la justice et l'équité envers la moitié de la société. Les conditions de travail des journalistes, l'éducation, l'école, les pesanteurs sociales constituent les principales causes de cette situation qui maintient la femme dans une position d'infériorité par rapport à l'homme. Telles sont les principales idées autour desquelles ont été axés les travaux de la journée d'étude organisée, hier, par le ministère de la Solidarité et de la Condition féminine et le Conseil national de la femme sur le thème «Image de la femme algérienne dans les médias : entre reflet de la réalité et stéréotypes». Intervenant au nom du ministère de la Communication, Soumia Chaïb tente de montrer la difficulté qu'ont les femmes à accéder aux postes de responsabilité, mais explique toutefois que, depuis 2008, la tendance est à la féminisation. Dans les entreprises de télévision et de radio, elles sont très présentes, mais elles restent néanmoins peu nombreuses aux postes de responsabilité. Ce qui reflète, selon elle, l'image qu'on donne de la femme dans ces médias. Professeur à l'Institut de journalisme, Mme Maâtouk estime que «l'image que renvoie la presse de la femme véhicule des stéréotypes et des préjugés aux conséquences néfastes». Pour elle, c'est le journaliste qui est responsable «dans la mesure où c'est lui qui fait l'opinion qui n'est pas nécessairement dans la prise de décision ou dans l'exercice de la politique, mais plutôt chez la population». Le professeur note que «la problématique de l'égalité est étroitement liée à la citoyenneté. Le journaliste n'est que le produit de son environnement. Le jour où il traitera le sujet de l'égalité sous l'angle de la citoyenneté, les choses changeront». Sa collègue, la professeure Boukhobza, ne semble pas du même avis : «Le journaliste a plutôt une arme redoutable entre les mains. Son influence peut apporter un changement.» Cependant, elle reconnaît qu'«en dépit des décisions politiques, de la féminisation de certains métiers jusque-là strictement masculins, l'image de la femme dans les médias reste très médiocre parce que nous sommes face à une presse de consommation, appauvrie en éducation civique». Abordant la question des femmes dans les médias, la journaliste Ilham Tir, de Constantine, fait état d'une enquête sur la situation de 200 femmes journalistes de la presse écrite et audiovisuelle privée et publique. Elle relève que 62,6% des interrogées n'appartiennent à aucun syndicat, 10 en sont membres et 3% seulement ont obtenu une carte en 2003. Mieux, 59% des journalistes femmes interrogées font état de disparités en matière de salaire entre elles et leurs collègues hommes, 46% affirment avoir des problèmes d'accès aux postes de responsabilité, 31,8% se plaignent du fait qu'elles sont interdites de traiter les sujets politiques et importants, 27% évoquent des problèmes de harcèlement sexuel et 18% affirment être en danger sur leur lieu de travail. L'enquête montre que 78,26% des journalistes interrogées affirment que les salaires ne sont pas connus et 14% seulement disent être au courant, mais grâce aux conventions collectives. Ainsi, 33,33% des femmes journalistes s'estiment lésées en matière d'égalité dans les salaires, 86% estiment que l'image de la femme reste très stéréotypée. Pour ce qui est de l'accès à la promotion, 0,9% seulement sont des directrices, 6,24% des rédactrices en chef et 63% des chefs de rubrique (surtout santé, culture et femme) ou de bureau. Des chiffres très relatifs, mais qui dénotent la vulnérabilité dans laquelle les femmes journalistes exercent leur métier. La représentante de la télévision, Ouarda Lebnane, fait état quant à elle de la présence des femmes dans cette institution où, il y a quelques années seulement, le journal télévisé appartenait exclusivement aux hommes. Mais si elles sont partout dans les rouages de la radio et de la télévision, elles deviennent peu nombreuses au fur et à mesure que nous montons dans la hiérarchie. Elles représentent 40% des cadres, mais ne constituent que 4,6% de l'effectif. Deux témoignages de femmes journalistes – Naâma Abbas, présidente-directrice du journal El Moudjahid, et Nafissa Lahrech, directrice de la revue Ounoutha et présidente de l'association Femme en communication – insistent sur les spécificités du métier qui exige des sacrifices, mais surtout engagement et dévouement. Elles soulignent aussi l'importance de l'éducation qu'on donne aux enfants au niveau de la famille puis à l'école, basée sur la justice et l'équité entre les filles et les garçons, pour éviter toutes ces images stéréotypées qui assassinent les luttes pour l'égalité entre hommes et femmes.