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TABLE RONDE À L'IF D'ALGER DANS LE CADRE DU "PRINTEMPS DES POÈTES"
"Jean Sénac était un authentique poète maudit"
Publié dans Liberté le 12 - 04 - 2014

Si des universitaires se sont intéressés à Jean Sénac et se sont penchés sur son œuvre, l'auteur de Matinale de mon peuple demeure encore méconnu, notamment auprès du grand public. Une table ronde portant sur l'algérianité de ce personnage, à saisir dans sa complexité, a été organisée, jeudi dernier à l'Institut français d'Alger, dans le cadre du Printemps des poètes, dédiée cette année à Jean Sénac.
"L'algérianité de Sénac se pose encore. Elle rejoint ce qu'on appelle en Algérie –c'est une formule de Malek Haddad dans son essai les Zéros tournent en rond paru chez Maspero– le concept de ‘nationalité littéraire' ", a estimé Hamid Nacer-Khodja, universitaire et spécialiste de l'œuvre de Sénac, avant-hier, lors d'une table ronde portant sur l'algérianité de Jean Sénac, organisée à l'Institut français d'Alger, dans le cadre du Printemps des poètes. Cette rencontre a également réuni René de Ceccaty, romancier et éditeur, Camille Tchéro, doctorante en littérature, et Mourad Krinah, plasticien. Pour M. Nacer-Khodja, "l'algérianité de Sénac a été très douloureuse sur tous les plans. Le premier plan est qu'il faut ne surtout pas oublier que Sénac est un enfant naturel, donc il n'a pas connu son père, de ce fait, constamment, il a recherché une identité d'abord biologique, ensuite politique, puis citoyenne. L'algérianité de Sénac a évolué avec l'idée de l'Algérie, l'idée d'une nation algérienne, de nationalité algérienne qui est complètement antagoniste et différente selon les périodes. Jusqu'en 1950, Sénac se sentait Algérien, c'est-à-dire Français d'Algérie, avec tous les préjugés liés à sa communauté d'origine, en plus c'était un homme de droite ; tout jeune, il avait des idées de droite. Heureusement, en 1949, sa grande rupture est dûe au peintre Sauveur Galliéro (ami de Mohammed Dib, de Mouloud Feraoun), qui vivait à La Casbah, et qui a montré à Sénac le vrai visage de La Casbah."
Cette rencontre sera, en effet, déterminante pour Sénac, de même que celle avec Jules Roy qui "lui a enseigné la vérité d'un visage arabe."
Bouleversé par ses rencontres, Jean Sénac, qui était l'ami de Larbi Ben M'hidi, se mettra à écrire des poèmes politiques qu'il réunira dans Matinale de mon peuple. "Je crois qu'il est le seul qui, déjà avant Novembre 1954, aussi bien dans son journal intime que dans ses poèmes, a écrit qu'il faut que l'Algérie soit indépendante", soulignera le spécialiste. Durant la guerre de Libération, Sénac épousera les thèses du FLN et publiera le Soleil sous les armes, en 1957, "un essai dans lequel il définit ce que c'est qu'un Algérien ou un écrivain Algérien", et qui marquera, selon l'orateur, "sa rupture avec Camus."
Les drames de Sénac
Hamid Nacer-Khodja, qui a rappelé qu'un des drames de la vie du poète a été la crainte de ne pas avoir sa place dans l'Algérie indépendante, a relevé également un paradoxe : "C'est vraiment paradoxal qu'un poète d'origine européenne fasse de si beaux poèmes d'amour, de déclarations d'amour folles à ce pays, à ce peuple, et même à sa religion, bien qu'il était plutôt mécréant."
Dans les premières années de l'indépendance, "Sénac se sentait pleinement Algérien", mais le problème s'est posé ensuite concernant sa nationalité algérienne. "Sénac est rentré le 30 octobre 1962, en principe, selon les accords d'Evian, il devrait opter soit pour sa nationalité d'origine française soit la nationalité du nouvel Etat, c'est-à-dire algérienne, mais il fallait séjourner en Algérie cinq ans auparavant, cinq ans avant la date du référendum du 1er juillet, malheureusement il ne remplissait pas cette condition, ce qui fait qu'il était obligé d'introduire un dossier de naturalisation. D'ailleurs c'est ce que lui a écrit Mohamed Bedjaoui, qui était ministre de la Justice. ‘On sait que vous êtes un citoyen algérien, personne ne peut le contester, malheureusement il y a une différence entre nationalité et citoyenneté'. Il a demandé des interventions de ses amis ministres qui n'ont pu l'aider. Mais ce qui l'embêtait c'est quand il partait à l'étranger parce qu'il devait solliciter un passeport diplomatique", a expliqué l'universitaire. L'autre drame de Sénac est le fait "d'avoir été chassé de la radio." "Il ne l'a pas supporté ; c'était son refuge, son gagne-pain. Il n'a pas supporté ça. Ça l'a rendu malade et ça l'a plongé dans la misère, déjà qu'il vivait de manière très précaire", signalera Hamid Nacer-Khodja. Et d'affirmer : "Il a vécu la vie d'un authentique poète maudit, au sens où l'entendait Paul Verlaine, le seul et dernier poète maudit de l'histoire, disons de la grande littérature francophone."
Le conférencier rappellera également que la descente aux enfers de Sénac a commencé vers 1965, puisque apprenant son homosexualité, beaucoup de ses amis ont pris leurs distances avec lui. "Certains ministres qui étaient ses amis ont été ingrats envers ce poète. On aurait pu lui accorder plus de considération", a-t-il martelé.
La rencontre avec son œuvre poétique
De son côté, René de Ceccaty a évoqué sa "rencontre" dans le texte avec Jean Sénac –il ne l'a pas connu personnellement– par le biais de Serge Tamagnot. "J'ai été saisi par ce poète. J'étais un très grand admirateur déjà de Pasolini et j'ai vu la proximité qu'il y avait entre eux. Ensuite, il y a eu Rabah Belamri –qui avait fait un début de thèse sur Sénac– qui était lui aussi complètement passionné par Sénac, et quelques années plus tard, il m'a apporté le manuscrit ‘Ebauche du père' qui a été publié par Gallimard. J'ai toujours été lié à Jean Sénac par ces deux amitiés mais aussi par l'intérêt que je porte au monde littéraire arabe, pour les prises de position de Sénac à la fois personnelles et politiques, et son parcours me semblait tout à fait passionnant", expliquera-t-il. Pour lui, Sénac est "un cas extraordinaire parce qu'il utilise la poésie comme peu d'écrivains français –je ne dis pas francophones mais français– l'ont utilisé. Il a, dans son style, à la fois une très grande richesse métaphorique et une grande simplicité de rapport ; la grande chance de Sénac est d'avoir été élevé dans une culture qui n'était pas franco-française."
Concédant qu'il est très difficile de définir la poésie de Sénac parce qu'elle évolue sur divers registres, il dira qu'"il avait une idée très ciselée de la poésie, où la poésie devait être extrêmement concise, extrêmement ramassée, et on trouve des vers de Jean Sénac, qui sont à la limite de l'obscurité, qui demandent une lecture extrêmement attentive parce que le sens n'est pas évident."
En plus d'être le parent pauvre de l'édition, la poésie de Sénac, selon M. de Ceccaty, "commençait à être oubliée" en France, n'étaient la biographie de Bernard Mazeaud et les efforts de certains éditeurs, comme le Seuil, ainsi que le remarquable travail de Hamid Nacer-Khodja.
Il a également proposé d'envisager l'étude de l'œuvre de Sénac à travers des études comparatives : "Je crois que ce qui pourrait sauver et aider la postérité de Sénac, c'est la littérature comparée."
Présence(s) de Jean Sénac
A l'occasion du 40e anniversaire de son assassinat, trois ouvrages ont été édités en France. En Algérie, et même si les ouvrages de Sénac ne sont pas très visibles au niveau des librairies, les éditions El-Kalima ont publié la thèse de Hamid Nacer-Khodja, les éditions Aden ont sorti Tombeau pour Jean Sénac (ouvrage collectif), et prochainement paraîtra le Chant du poète, qui regroupe l'ensemble de ses critiques littéraires et témoignages poétiques. "Sénac était un merveilleux critique d'art et un animateur culturel exceptionnel, aussi bien avant 1954 que pendant la guerre d'Algérie, que dans un pays post-indépendant», affirmera M. Nacer Khodja, qui ajoutera que Sénac est présent dans certaines universités algériennes. En 2003, la Bibliothèque nationale d'Algérie –où est déposé un important fonds de documents selon la volonté du défunt– a organisé une importante exposition, avec la publication de l'anthologie en arabe de Mohamed Boutghane (préfacée par Amin Zaoui, et éditée par la BN). Rabah Belamri a publié en Algérie, à l'OPU, en 1989, un essai, et certains de ses ouvrages ont été diffusés en Algérie, comme Visages d'Algérie, regards sur l'art et Pour une terre possible. Romancier, auteur de théâtre, essayiste, il a inventé des expressions qui sont restées d'usage (peintre du signe) ; il a écrit des critiques littéraires. Cela étant, "la critique artistique de Sénac est totalement inconnue. Sénac a été un éveilleur. Il a les qualités exceptionnelles d'animateur, et il a joué un très grand rôle d'historien, parce qu'il connaissait ces artistes. Je crois aussi que l'aspect de critique dramatique et le théâtre de Sénac restent méconnus –son théâtre n'a intéressé que Rabah Belamri."
Abordant son assassinat, Hamid Nacer-Khodja croit à la thèse officielle, car pour lui "son assassinat a beaucoup embêté le régime", alors que René de Ceccaty a émis quelques réserves.
Quant à la manière qu'il a été traité dans la presse, le spécialiste de l'œuvre de Sénac apprendra à l'assistance que le journal Echaâb a été "très courageux" et a souvent évoqué le poète, notamment en traduisant son article paru dans le Monde diplomatique. Aussi, a-t-il souligné, qu'en 1987, pour le 25e anniversaire de l'indépendance, le président Chadli a signé un diplôme d'honneur pour Jean Sénac pour la reconnaissance officielle. Poète maudit, homme de convictions, critique d'art, critique littéraire, dramaturge, homme de radio... Jean Sénac était un homme pluriel, et ce n'est pas par hasard si cette rencontre a tenté d'envisager l'auteur dans sa complexité, en explorant ses différentes facettes. Et tout n'a pas encore été dit...
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