Ils étaient des milliers de citoyens (entre 10 000 et 15 000, selon les organisateurs), venus des quatre coins de la wilaya de Béjaïa, à descendre, hier, dans les rues de la ville des Hammadites. Objectif : commémorer le 34e anniversaire du Printemps berbère, dont beaucoup espèrent se réapproprier la date, et commémorer le 13e anniversaire du Printemps noir, qui a endeuillé la Kabylie en 2001. La procession humaine s'est ébranlée dès 11h, depuis le campus Targa-Ouzemour vers le Carrefour Nacéria, baptisé par les manifestants Carrefour du 19 mai 1981, en souvenir des événements qu'a connus Bgayet ce jour-là. À la tête de la marche, les militants du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK, non reconnu) de Ferhat M'henni. Ils sont suivis dans des carrés distincts par les anciens militants du Mouvement culturel berbère (MCB), qui a regroupé toutes les sensibilités politiques, du FFS au RCD en passant par le PST, le MDS, etc. Les autonomistes du MAK brandissant le drapeau amazigh et scandant à gorge déployée des slogans hostiles au pouvoir politique, tels que : "Ulac Smah Ulac", "Pouvoir assassin", "C'est une République et non une monarchie", "Tamazight langue nationale et officielle", "Pour l'autodétermination de la Kabylie", "Y en a marre de ce système" et "Système dégage". Autant de mots d'ordres qui ont rythmé cette grandiose marche populaire. Dans un carré distinct mais noir de monde, les militants du MCB suivent d'un pas assuré. Cheveux grisonnants pour la plupart, ils chantent des slogans propres aux militants du MCB des années 1980 — les drapeaux algériens bien en vue : "Tamazight, langue nationale et officielle", "Pouvoir assassin", "Nous sommes des Imazighen", etc. Si les autonomistes ont poursuivi la marche jusqu'au siège de la wilaya, les militants du MCB ont arrêté la procession au niveau du Carrefour du 19 mai 1981 pour y déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des victimes de la répression du Printemps noir et plus particulièrement du couple Laribi, tué par asphyxie suite à l'inhalation des gaz lorsqu'une bombe lacrymogène a atterri dans leur appartement. Cette halte significative a été ponctuée par un meeting durant lequel l'ancien détenu d'avril 1980, Aziz Tari, et les autres militants ont salué la forte mobilisation et le retour sur le terrain politique d'anciens militants que leurs trajectoires politiques respectives avaient séparés. Mais la donne a changé, des leçons ont été tirées, dira en substance Aziz Tari, qui s'est beaucoup assagi après un travail sur lui-même. Celui-ci s'empressera d'ailleurs de passer le flambeau à la jeune génération qui, elle-même, a fait montre de maturité politique. La preuve : "Vous avez vu, la marche s'est déroulée dans le calme. Nous refusons la violence. C'est une spécialité du pouvoir en place. Nous devons les affronter pacifiquement, c'est le seul moyen de les battre. La violence ne mène nulle part", dira avec insistance un jeune organisateur. À 200 mètres de là, les manifestants du MAK chantaient en chœur l'un des tubes de leur leader Ferhat M'henni, Tahya berzidan, et celui d'Oulahlou, Italha la Kabylie materna. Un militant du MAK en profitera pour grimper sur un poteau électrique pour y accrocher le drapeau amazigh. Un groupe de manifestants tentera ensuite vainement de défoncer le portail de la wilaya, malgré les appels au calme adressés par les organisateurs, en vain. La marche, qui se voulait pacifique, échappera alors aux organisateurs du MAK. La police interviendra pour les disperser. C'est le début des émeutes. La police a interpellé des dizaines de manifestants, alors que les émeutes gagnaient plusieurs quartiers de la ville. M. Ouyougoute/L. Oubira Nom Adresse email