Le concept est en vogue et chacun y va de sa littérature : peu avant le début de la campagne électorale, pendant et même après la présidentielle dont les résultats ont révélé toute l'étendue de la crise nationale, l'idée de transition revient tel un leitmotiv chez nombre d'acteurs politiques. Réclamée par l'opposition, notamment la coordination des partis et personnalités ayant prôné le boycott de l'élection présidentielle, appelée désormais Coordination nationale pour les liberté et la transition démocratique (lire encadré), le FFS et l'ex-président de la République, Liamine Zeroual, la transition est revendiquée désormais même par les tenants du pouvoir, à l'image de l'ancien secrétaire du FLN, actuel conseiller du Président, Abdelaziz Belkhadem. Au cours d'un de ses meetings animés pendant la campagne électorale, il avait estimé "nécessaire d'aller vers une période de transition" qui constituerait, selon lui, une "passerelle" vers un Etat "civil, démocratique et prospère". Mais comment est perçue cette transition chez les uns et les autres ? Fait-elle consensus au sein du pouvoir ? Est-elle possible dans l'immédiat ? "En théorie, il y a une différence entre l'approche de l'opposition et celle du pouvoir", explique Louisa Dris Aït Hamadouche, enseignante à la faculté des sciences politiques d'Alger. "En théorie, la proposition des proches de Bouteflika est une transition dans laquelle le système se transforme de l'intérieur. Autrement dit, arrivé à une situation pour éviter sa chute, le système décide d'apporter des réaménagements et des restructurations qui lui permettront la survie." Mais au sein du pouvoir, l'idée semble loin de faire consensus. C'est du moins ce qu'il est permis de conclure à travers les déclarations contradictoires des représentants du président de la République. "La transition, on l'avait connue en 1992", avait décrété Ahmed Ouyahia, chef du cabinet du Président, et dont on susurre, çà et là, qu'il est pressenti à jouer "un rôle" dans les prochains mois. Il y a aussi l'hostilité affichée à cette approche de la porte-parole du PT, Louisa Hanoune, dont la proximité avec le président de la République est un secret de Polichinelle. "Il y a des facteurs qui montrent que cette idée de transition n'est pas consensuelle au sein du régime. C'est une option qui ne paraît pas consensuelle. La campagne électorale a montré des dissensions parmi les représentants du Président", relève Louisa Dris Aït Hamadouche. "Si le régime n'en ressent pas le besoin, il ne le fera pas. Le fait de déclarer plus de 80% de voix au profit du Président est un signe qui n'est pas encourageant", estime-t-elle encore. Mais à l'inverse des tenants du pouvoir, l'opposition, qui s'attelle à multiplier les concertations avec nombre de partis et de personnalités en perspective de l'organisation d'une conférence nationale prévue dans deux mois, cherche visiblement à amener le pouvoir à un pacte dans lequel seront définis les mécanismes d'organisation de la transition. "Le schéma de l'opposition, c'est une transition qui s'inscrit dans un cadre pacté entre elle et les tenants du pouvoir. Ce type de transition, on l'applique dans le cadre d'un pouvoir politique affaibli, mais pas suffisamment pour tomber, d'une part, et, d'autre part, lorsque l'opposition est présente mais incapable de faire tomber le régime", souligne cette enseignante. C'est probablement la raison d'ailleurs pour laquelle la coordination des boycotteurs, tout comme le FFS ou encore l'ex-chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, multiplient les appels en direction du pouvoir dans l'espoir de l'amener à la table des négociations. Cependant, cette transition est-elle possible dans l'immédiat dans la mesure où le principal enjeu demeure le passage d'un régime autoritaire, disqualifié par l'histoire, miné par ses contradictions et incapable de changer où beaucoup d'intérêts sont en jeu vers un régime démocratique ? "À très court terme, c'est difficile. Lorsqu'un régime arrive à ses limites idéologiques, politiques et économiques, il opte pour une transition pactée qui permette une sortie à ses dirigeants", explique Louisa Dris Aït Hamadouche. Pour l'heure, le pétrole coule à flots et Paris et Washington sont dans l'expectative... K. K Nom Adresse email