J'ai connu Youssef Koribaa à la mini-Coupe d'Afrique qui s'est tenue à Dakar en février 1991. Koribaa était ambassadeur et si je ne l'ai pas oublié jusqu'à ce jour, c'est parce qu'il était un diplomate à part, je veux dire différent, je veux dire aimable, je veux dire attentionné, je veux dire ayant un haut sens de l'Etat et de sa mission, je veux dire qu'à ses yeux, il représentait le plus grand et le plus beau pays au monde et qu'il mettait ses pays dans ceux des martyrs. Eux ont donné leur vie pour ce pays. Lui donnait tout ce qu'il avait : son temps, son cœur et son argent. Avant de le connaître, un ami commun, Bachir Amrane, m'avait averti : "Avec Youssef, tu seras à Dakar aussi bien qu'à Alger". Je m'attendais à voir un grand diplomate. Mieux : j'ai vu un homme qui a attendu la délégation de l'équipe nationale à sa descente d'avion, serrant la main à tous les joueurs et à tout le staff, ayant pour chacun un mot de bienvenue appuyé d'un sourire sur un visage aimable, car ce qui ressortait de cet homme qui avait à l'époque la soixantaine, si je ne m'abuse, c'était l'amabilité. Elle suintait de son visage distingué et ouvert. Il était rassurant, oui, c'est le mot rassurant, et apaisant. Koribaa ne quittera pas la délégation d'une semelle. Il était avec nous à l'hôtel, avec nous aux entraînements, avec nous au match, avec nous aux vestiaires, avec nous aux restaurants, veillant sur le staff avec l'attention et la vigilance d'une mère poule. C'était alors l'époque des troubles en Casamance et l'ambassadeur craignait une action contre Kermali, l'Algérien le plus populaire au Sénégal. Et puis nous voilà dans un resto couru par la jet-set dakaroise, et puis voilà que Kermali disparaît. L'officier chargé de la sécurité s'émeut. Il cherche partout, point de traces de Kermali. Pas même dans sa chambre d'hôtel. Tout le monde panique. Tout le monde ? Non. Un seul garde sa tête : Koribaa. Il connaissait l'homme et surtout son type de vieux baroudeur. Il avait la certitude que Kermali, artiste dans son genre, s'était volontairement égaré. Il eut juste ce mot amusé: "Ne vous en faites pas Kermali est capable de dribbler tout le monde y compris son propre camp !". On retrouva ou plutôt c'est lui qui nous retrouva-renard va- l'entraîneur national, l'œil égrillard et la bouche rieuse. Il voulait respirer un peu d'air seul. Mais si Koribaa était aux petits soins avec nous, il n'oubliait pas, pour autant, la politique. C'est ainsi qu'il me fit rencontrer le chef de la confrérie Tidjaniya, puissante au Sénégal, qui devint par la suite ministre des Affaires étrangères. Je l'interviewais pour mon journal. Koribaa me mit en contact avec le réseau des Sénégalais qui ont étudié en Algérie. C'était un lobby puissant qu'entretenait notre ambassadeur avec tact et savoir-faire. Nous le quittâmes avec plein de cadeaux et le cœur serré. De cette mini-Coupe d'Afrique, il me reste le souvenir d'un ambassadeur humble qui faisait tout pour la grandeur de son pays. Et cette grandeur rejaillissait aussi sur lui. H. G. [email protected] Nom Adresse email