Revendication portée par des millions de citoyens et, désormais, par la quasi-totalité de la classe politique, l'officialisation de tamazight n'est toujours pas dans le calepin de Bouteflika. Le document rendu public le 15 mai par la présidence de la République et portant propositions d'amendements pour la révision constitutionnelle ne fait aucunement référence à cette question pourtant éminemment démocratique. Pas un seul mot ne lui a été consacré ! Pourtant, lors de son investiture, le 28 avril, le chef de l'Etat a assuré avoir inscrit dans son agenda la relance du chantier des réformes politiques qui aboutira à une révision constitutionnelle "consensuelle". Reconduire le déni dont a toujours été victime la langue amazighe depuis l'Indépendance du pays, ne serait-il pas de nature à accentuer le sentiment d'exclusion qui anime les populations berbérophones et surtout alimenter davantage la dissension nationale ? Il est vrai qu'en 2001, sous la pression de la rue, le Président Bouteflika avait dû inscrire dans la Constitution tamazight comme langue nationale. Un pas en avant dans la résolution d'un problème identitaire vieux de plus de 60 ans, mais qui était en deçà des aspirations des militants de la cause amazighe qui veulent un statut de langue officielle pour leur langue au même titre que l'arabe. Le 15 avril dernier, en commémoration du 34e anniversaire du Printemps berbère, des dizaines de milliers de citoyens ont organisé, à l'appel du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), des marches dans les principales villes de Kabylie (Béjaïa, Bouira et Tizi Ouzou) mais aussi dans la capitale des Aurès, Batna, pour revendiquer le statut de langue officielle pour tamazight. Le 20 avril, d'autres marches — celle de Tizi Ouzou a été durement réprimée — ont eu lieu en Kabylie toujours à l'appel du MAK (Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie) et de plusieurs figures de proue du Mouvement culturel berbère (MCB). D'aucuns ne manqueront pas de mettre cette éviction de l'officialisation de tamazight des propositions du pouvoir sur la psychologie du Président Bouteflika réputé nourrir des rancœurs tenaces. Lors de la dernière campagne électorale pour la présidentielle du 17 avril, la Kabylie a réservé un accueil hostile à Abdelmalek Sellal, directeur de campagne du candidat Bouteflika. À Béjaïa, il a même été empêché de tenir son meeting électoral. C'était un grand camouflet pour le Président-candidat qui ne voulait pas d'un tel grain de sable dans la mécanique d'un 4e mandat fort décrié à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. D'autres y verront plutôt une petite ruse, voire un attrape-nigaud, de Bouteflika pour contraindre les partis acquis à l'officialisation de tamazight à répondre favorablement à l'invitation lancée par Ahmed Ouyahia à la classe politique et à la société civile, dans le cadre des consultations pour la nouvelle Constitution. Des partis du courant démocratique comme le FFS ou le RCD risquent, selon les calculs du pouvoir, de se voir reprocher par leurs bases d'avoir abandonné la revendication, alors même que le pouvoir, lui, affirme qu'aucun préalable ni obstacle ne sera dressé devant les suggestions de l'opposition. A. C. Nom Adresse email