L'adoption d'une Constitution est une étape importante dans la vie d'une nation ; elle se prépare actuellement dans un contexte complexe qu'il faut observer avec lucidité. Comme pour la tenue des élections présidentielles, l'adoption d'une nouvelle Constitution se déroule dans un climat de crispation et d'incertitude quant à la participation des différents courants de l'opposition. Pour certains partis, la Constitution n'est pas d'opportunité, pour d'autres, elle se prépare en dehors d'une démarche consensuelle et pour de nombreux acteurs de la vie politique une période de transition constitue un préalable pour une sortie de crise. Cela signifie que dans la logique de leur position à l'égard des élections présidentielles, les mouvements d'opposition continuent à contester la légitimité du pouvoir et donc sa légitimité à engager le pays dans un changement constitutionnel. Revendiquant la légitimité que donnent les résultats des urnes et en tirant les leçons de la situation trouble dans laquelle se sont déroulées les dernières élections, les représentants du président de la République annoncent leur engagement à organiser un débat ouvert et à consulter l'ensemble des acteurs politiques et sociaux. Cette situation est incertaine ; si elle devait perdurer, elle conduirait à une aggravation de la crise politique et aura nécessairement des conséquences au moment de l'adoption de la Constitution par voie référendaire. Pour la tenue d'un tel référendum, il est indispensable de créer d'abord un climat apaisé et éteindre la colère des Aurès et de la Kabylie, le désarroi du M'zab, la protestation des chômeurs du Sud et la détresse de tous les laissés-pour-compte. Il faudra donc prendre le temps nécessaire pour engager une véritable concertation autour d'une commission de suivi qui aura réussi à obtenir la confiance des différents partenaires. On reviendra alors à l'enjeu essentiel qui est de mettre en place le nouveau système politique qui est attendu par la société et de donner à la démocratie un socle constitutionnel incontestable. Le premier point est d'abord d'affirmer l'identité de l'Algérie, une identité qui n'est pas née du néant, une identité qui n'est pas recroquevillée sur elle-même et une identité d'appropriations successives et d'ouverture à l'universel. Sur ce plan, comme sur les autres, la Constitution ne doit pas être une série d'articles de lois sans porter pratique mais une œuvre pédagogique d'acceptation des réalités de notre pays. Le principe naturel de l'officialisation de tamazight patrimoine originel et immémorial de l'Algérie est un test irréfutable pour l'avenir de la nation ; il ne doit souffrir d'aucune omission ou contestation, à moins de prendre le risque de la négation de la justice due à son propre peuple. Le second point concerne le principe des droits inaliénables de la personne humaine ce qui implique la totale égalité entre tous les citoyens sans exclusive aucune, plus spécifiquement la reconnaissance fondamentale des pleins droits juridiques, sociaux et économiques de la femme. Cela implique également la liberté de pensée, la liberté de conscience, la liberté de croyances et d'exercice des cultes, la liberté d'expression et la liberté d'organisation et de manifestation. Il faut que les droits fondamentaux soient affirmés constitutionnellement à l'éducation, à la santé et à la sécurité. Le troisième point consiste à affirmer la séparation effective des pouvoirs et l'indépendance totale de la justice, à mettre fin à la concentration des pouvoirs et à donner au Parlement les pouvoirs législatifs et de contrôle qu'il doit détenir des citoyens. Il faut réhabiliter et moraliser le politique afin qu'il ne soit plus l'otage des forces de l'argent ni l'occasion d'enrichissement personnel. Pour cela, l'élection au Parlement doit se faire au suffrage universel direct afin que les élus soient des représentants visibles et crédibles de leurs électeurs au niveau national. L'adoption d'une Constitution est une question fondamentale qui engage le pouvoir et tous les acteurs politiques et sociaux. Elle n'est pas cependant une finalité unique ; son application et son contrôle doivent être garantis par des institutions crédibles qui auront la confiance du peuple, dans un Etat de droit. Dans la cohérence d'un processus de démocratisation de la vie publique, l'adoption d'une nouvelle Constitution doit être suivie par l'élection immédiate d'un nouveau Parlement. C'est à ce prix que les textes constitutionnels pourront refléter les idéaux de la société et répondre aux aspirations de tous les citoyens égaux en droits et en devoirs. M. L. * Professeur d'université, militant et ancien cadre et responsable du FFS, élu député aux élections législatives pluralistes de 1991 NDLR : le titre est de la rédaction Nom Adresse email