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Il devait enquêter en algérie sur l'affaire des moines de tibhirine
Le juge Trévidic ne viendra pas
Publié dans Liberté le 31 - 05 - 2014

Alors qu'il devait arriver aujourd'hui pour mener des expertises sur les têtes des douze moines de Tibhirine assassinés le 30 mars 1996, le juge français Marc Trévidic n'a pas obtenu un visa de travail des autorités algériennes.
C'est le deuxième refus, en l'espace de quelques mois. En février dernier, quatre jours avant le départ de Marc Trévidic et son équipe, l'Algérie reporte au mois de mai ou juin cette visite, justifiant cette décision par le contexte électoral, indique une source proche du dossier.
Paris a tenté, hier, de minimiser la portée de ces ajournements. "Il s'agit d'un report. La visite de M. Trévidic à Alger en novembre dernier s'est bien déroulée et a constitué une étape positive dans l'exécution de cette demande d'entraide. Les autorités judiciaires françaises et algériennes sont actuellement en contacts étroits pour préparer la prochaine visite de M. Trévidic en Algérie, dont le principe n'est pas remis en cause et qui devrait se tenir prochainement", a assuré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Romain Nadal, au cours d'un point de presse.
"La France est très attachée à ce que la lumière soit faite sur les circonstances tragiques qui ont causé la mort de ces hommes de paix (...). Il est de l'intérêt de tous de connaître la vérité et notamment les circonstances de la mort des moines de Tibhirine", a ajouté ce responsable, se disant confiant dans "la qualité de la coopération en matière d'entraide judiciaire entre l'Algérie et la France".
Contestation contre un 4e mandat, polémique autour du gaz de schiste, boycott de l'opposition des consultations engagées autour de la révision de la Constitution, refus de la constitutionnalisation de la réconciliation nationale par les familles de victimes du terrorisme, front social en ébullition, etc., pour le moment, le contexte n'est pas jugé du tout favorable par Alger pour la réouverture du dossier des trappistes de Tibhirine.
Et pourtant, le principe d'une autopsie, que le magistrat antiterroriste réclamait depuis plus de deux ans, avait été accepté en novembre 2013. Tout était prêt pour cette visite impliquant une importante organisation logistique.
La demande d'audition d'une vingtaine de témoins parmi lesquels des officiers supérieurs des services de renseignement et des islamistes repentis ou incarcérés, a été, en revanche, refusée de manière ferme par les autorités algériennes.
La justice algérienne, qui a ouvert sa propre instruction au printemps 2012, juste après avoir reçu officiellement les demandes d'enquêtes de son homologue française, a rappelé qu'elle avait déjà mené ces auditions promettant d'en transmettre les résultats au juge Trévidic.
Les auditions de ces témoins et l'autopsie des crânes des moines constituaient les deux aspects essentiels de la commission rogatoire internationale (CRI) adressée par le juge Trévidic en décembre 2011 à l'Algérie afin d'élucider cette affaire en suspens depuis plus de 18 ans.
Le but de l'autopsie est de confronter les éléments scientifiques aux différents récits du drame et déterminer si la décapitation des religieux a eu lieu post-mortem. Aucune date d'exhumation n'a, pour l'heure, été fixée.
Les trois moines, qui avaient échappé à l'enlèvement en se cachant, ainsi que des villageois, ont confirmé l'implication du GIA. Le monastère se trouvait dans une région isolée, fief des groupes terroristes les plus radicaux.
Une douzaine d'ouvriers croates ciblés comme chrétiens, ont été égorgés non loin en décembre 1993. La même année, dans la nuit de Noël, le monastère avait été investi par un commando islamiste. Son chef exigeait le paiement d'un tribut et des médicaments. N'était le sang-froid du père Christian de Chergé qui l'a fait fléchir, il avait voulu emmener le médecin de la communauté, Frère Luc.
À la suite du témoignage, en juin 2009, d'un ancien attaché à la défense à l'ambassade de France à Alger, le juge Trévidic a réorienté l'enquête vers une possible bavure de l'Armée algérienne, sans écarter pour autant la piste islamiste. Selon le général François Buchwalter, les moines ont été tués dans un raid d'hélicoptères militaires tandis qu'ils se trouvaient dans ce qui semblait être un bivouac.
Les deux thèses n'ont jamais été totalement confirmées, dans un contexte de disparition des corps qui n'a fait qu'amplifier la polémique.
En 2003, une plainte, avec constitution de partie civile, est déposée à Paris par les membres de la famille de Christophe Lebreton, un des moines assassinés et du Père Armand Veilleux, "procureur général" de la congrégation au moment des faits.
D'abord instruite par le juge Jean-Louis Bruguière, cette affaire est, depuis 2007, entre les mains du juge Marc Trévidic.
Si, un jour, l'autopsie a lieu, elle s'efforcera, d'abord, d'identifier avec certitude que les têtes inhumées dans le cimetière de Tibhirine sont bien celles des trappistes assassinés. Cinq d'entre elles avaient déjà été reconnues formellement à l'hôpital, par le Père Armand Veilleux. Il était resté un peu plus indécis sur les deux autres.
N. H.
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