Les jeunes Français tentés par le djihad sont dans le collimateur d'un projet de loi adopté hier en Conseil des ministres français, qui prévoit notamment une interdiction de sortie du territoire pour "certains" ressortissants. "Certains" n'est pas explicite, mais on devine que sont visés en première ligne les Français musulmans. Attention à l'amalgame s'inquiètent des ONG. Confrontés au départ, en nombre ascendant, de jeunes volontaires français pour la Syrie, et au retour de certains, les services de lutte antiterroriste et les magistrats spécialisés demandaient depuis des mois le renforcement de l'arsenal juridique français, déjà "lourd", selon des spécialistes. La nouvelle loi prévoit notamment la création d'une interdiction administrative de sortie du territoire français, qui concernera "certains ressortissants, majeurs ou mineurs, afin d'éviter qu'ils n'aillent se radicaliser sur des théâtres d'opérations extérieurs, pour représenter une menace à leur retour". Cette interdiction, d'une durée maximum de six mois, sera décidée par le ministre de l'Intérieur et pourra être renouvelée aussi longtemps que la menace est active. Le passeport de la personne concernée sera invalidé et confisqué, mais il lui sera toujours possible de voyager à l'intérieur de l'espace Schengen avec une carte d'identité, en attendant que soient rétablies les contrôles entre ses Etats, une revendication française. Si des personnes concernées parviennent tout de même à quitter la France, elles feront l'objet de recherches via Interpol. La loi a inventé la formule juridique d'"entreprise individuelle à caractère terroriste" contre ceux que la police, la justice et les médias français appelaient les "loups solitaires", qui se radicalisent individuellement, le plus souvent sur internet, et décident de passer à l'action sans contacter quiconque, ce qui les rend d'autant plus difficiles à repérer. Un autre volet de la loi prévoit le renforcement des outils de répression de l'apologie d'action terroriste et d'incitation, essentiellement sur internet. Pour internet, le texte renforce l'obligation faite aux opérateurs de retirer promptement tous les contenus faisant l'apologie du terrorisme, sur une base similaire à ce qui existe en matière de pédopornographie. Il prévoit aussi le blocage administratif de sites glorifiant le terrorisme. Elle permet enfin aux services d'infiltrer des réseaux et d'avoir recours à des écoutes. Reste à savoir comment seront rassemblés les éléments matériels et concrets prouvant qu'un passage à l'action était proche pour que cette incrimination puisse être appliquée. Et c'est là où la discrimination, le faciès, l'origine, la religion risquent de peser. Selon les estimations françaises officielles, environ 800 Français, dont des femmes, mais peu de résidents français, seraient partis depuis 2011 en Syrie. Combien en seraient revenus ? Combien ont le projet de partir ? Au niveau européen, ils seraient environ 2000. Mardi à Milan, les ministres de l'Intérieur de Belgique, de France, d'Allemagne, du Royaume-Uni, d'Espagne, d'Italie, du Danemark, de Suède et des Pays-Bas ont adopté un plan d'action, dont le détail n'a pas été révélé, afin de "mieux identifier" et "contrôler" les djihadistes européens de retour de Syrie et d'Irak. D. B. Nom Adresse email