Le Parlement irakien a élu, jeudi, le Kurde Fouad Maassoum président de la République. Sa première tâche sera de choisir un Premier ministre qui devra tenter de sortir le pays de sa plus grave crise depuis des années alors que des insurgés sunnites menés par les djihadistes de l'EIIL contrôlent depuis juin des pans entiers du territoire où ils ont établi leur "califat". Maassoum, qui remplace le Kurde Jalal Talabani, l'a remporté avec 211 voix, contre 17 pour son rival au second tour. Pour rappel, selon une règle non écrite, inspirée par les Américains sur le schéma libanais, le poste de président de la République, principalement protocolaire, est occupé par un Kurde, tandis que le président du Parlement est un sunnite et le Premier ministre un chiite. Né en 1938 dans un village proche de Halabja au Kurdistan, le nouveau président grandit dans une famille religieuse avant de partir en Egypte étudier les sciences islamiques à l'université Al-Azhar du Caire. Il revient en Irak où il enseigne à l'université de Bassora où il s'initie à la politique avec le parti communiste irakien avant de rejoindre le PDK (Parti démocratique du Kurdistan) en 1964, alors dirigé par Moustafa Barzani, le père de l'actuel président de la région autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani. À Bagdad, on dit que le style du nouveau président tranche avec celui de son jovial prédécesseur Jalal Talabani, mais qu'il pourra compter comme ce dernier sur de solides compétences politiques forgées dans la longue lutte pour l'indépendance du Kurdistan irakien. Washington a immédiatement félicité le nouveau président, l'exhortant de former un gouvernement "solidaire" pour combattre les insurgés sunnites dans le nord du pays. De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est rendu jeudi à Bagdad pour appeler à un gouvernement d'"union". La question est justement dans la marge de manœuvre de Fouad Maassoum. Pourra-t-il se débarrasser de l'actuel Premier ministre, Nouri al-Maliki, en désignant quelqu'un de plus consensuel, capable de former un gouvernement dans lequel tous les Irakiens se sentent "représentés", comme le souhaite la majeure partie des Irakiens, dont les chiites et leurs dignitaires religieux, à l'instar du grand ayatollah Sistani ? Ce n'est pas évident. Al-Maliki a, en effet, tissé autour de sa personne des réseaux puissants constitués d'affairistes de l'informel qui tiennent de fait le pays. Installé par l'administration américaine occupante en 2006, Al-Maliki s'était débarrassé de tous les cadres sunnites sous prétexte qu'ils avaient collaboré avec Saddam Hussein, favorisant au sein de cette communauté l'esprit insurrectionnel, ainsi que de chiites contre ses discriminations communautaires et son autoritarisme. Il reste que le Premier ministre, qui a gardé ses chances de rester maître à bord à Bagdad, aura non seulement échoué à former une armée, mais il a aussi planté les conditions d'une partition de l'Irak. Sur le terrain, le chaos s'est installé pour longtemps encore. D. B. Nom Adresse email