Le Parlement irakien s'est enfin accordé sur le nom d'un Président en vue d'une sortie de crise. Le Kurde Fouad Massoum succède ainsi à Jalal Talabani, remportant une large adhésion des parlementaires irakiens. L'Irak a un nouveau Président. En effet, hier matin le Parlement de cet Etat fédéral a tranché en faveur du Kurde Fouad Massoum, un des doyens de la politique irakienne. Né en 1938, Fouad Massoum succède ainsi au président controversé, Jalal Talabani. C'est le président du Parlement, Salim Al Joubouri qui a annoncé la nouvelle, ajoutant que le nouveau Président avait «été élu par une large majorité de 211 voix contre 17 à son adversaire au second tour, Hussein Al Moussawi.» Un scénario attendu après que les différentes formations kurdes se sont alliées afin d'élire la personnalité la plus consensuelle du pays. En vertu de la Constitution irakienne promulguée en 2005, le Président est obligatoirement kurde et dispose de pouvoirs assez limités, hormis celui de nommer le Premier ministre, lequel doit obligatoirement être issu de la communauté chiite qui forme entre 50% et 55% de la population irakienne. Les parlementaires ont abouti à ce consensus après un processus qui a duré près d'un mois et durant lequel plusieurs épisodes de violences entre les députés irakiens ont été rapportés. L'accord trouvé autour de Massoum est le premier pas vers la sortie d'une crise profonde où «l'intégrité du territoire irakien est en jeu», selon une chercheuse spécialiste de l'Irak. En effet, le puissant groupe djihadiste sunnite de l'Etat islamique (EI) contrôle le nord du pays qu'il a inclus dans un califat islamique s'étendant jusqu'au sud-est de la Syrie. Dans les faits, Baghdad n'a aucun contrôle sur ses régions. La première tâche du nouveau président irakien sera de nommer un nouveau Premier ministre. Les jours de l'actuel chef du gouvernement, Nouri Al Maliki, sont comptés. Union Ce dernier porte en effet la responsabilité de la situation de chaos qui prévaut actuellement dans le pays. Pour Feurat Alani, journaliste franco-irakien, «la politique du Premier ministre Al Maliki a consisté à marginaliser la communauté sunnite du jeu politique», créant ainsi une radicalisation rapide des sunnites. Il ajoute par ailleurs que «plusieurs officiels et militaires sous Saddam Hussein apportent leur aide logistique à l'EI» en représailles à leur mise à l'écart systématique initiée par les Américains lors de l'intervention et poursuivie et intensifiée par l'administration Al-Maliki. Le mot d'ordre de son successeur qui n'est pas encore connu sera la nomination d'un gouvernement d'union nationale pour sortir de la crise endémique que traverse le pays, une demande que la communauté internationale n'a eu de cesse de réitérer ces dernières semaines. D'ailleurs, le Secrétaire général de l'ONU, en déplacement dans la région en vue d'une médiation de l'agression de l'entité sioniste à Ghaza, en a profité pour faire escale à Baghdad où il a rencontré le nouveau président Fouad Massoum ainsi que Nouri Al Maliki avec lequel il a par la suite tenu un point de presse où il a rappelé l'engagement des Nations unies auprès du gouvernement irakien qui vit actuellement, selon Ban Ki-moon, «une menace existentielle» principalement représentée par l'EI. Le Secrétaire général de l'ONU a par ailleurs affirmé : «L'Irak est face à une menace existentielle, mais elle peut être surmontée par la formation d'un véritable gouvernement d'union nationale.» Et de poursuivre : «Il faut que cela soit un gouvernement dans lequel tous les Irakiens se sentent représentés.» Séparatisme Un autre danger dans la stabilité de l'Irak pourrait également venir de la région du Kurdistan autonome qui a fait montre, ces dernières semaines, de sa volonté de passer de l'autonomie à l'indépendance. Le président de cette région aux prérogatives déjà largement étendues, Massoud Barzani, a clairement fait état des velléités annoncées en début du mois de juillet que «l'Irak est aujourd'hui profondément divisée.» Et d'ajouter : «Devons-nous rester dans cette situation tragique ? Nous respecterons et serons tenus par la décision de notre peuple. Nous espérons que d'autres agiront de la sorte.» Un référendum pourrait être tenu en ce sens dès octobre prochain si le Parlement kurde se met d'accord sur une feuille de route. L'un des nombreux défis du Président irakien, lui-même kurde, sera de trancher sur cette question délicate où il devra choisir entre l'intérêt national que son poste voudrait qu'il adopte ou une position régionaliste kurde. Si tel est le cas, cela serait le symbole de clivages ethno-confessionnels insurmontables par l'Irak et un coup dur porté aux ambitions d'intégrité territoriale du pays et de son unité.