Au-delà de son ordre du jour relatif seulement à "l'évaluation des décisions de la 16e tripartite", la tripartite du 18 septembre 2014 devrait s'achever par un compromis social solide et des arbitrages économiques et financiers clairement formulés, partagés par tous. Cela est d'autant plus requis qu'elle se tient dans un contexte politique et sécuritaire délicat au plan interne et incertain au plan externe avec en plus des conditions économiques, financières et sociales tendues. C'est ce qu'on appelle la consolidation du front intérieur qui implique aussi une meilleure efficacité économique. Mais comment pourrait-on y parvenir ? En trouvant des solutions consensuelles aux sujets qui fâchent. Le premier sujet, dont le traitement s'impose au cours de cette tripartite du 18 septembre, est celui de l'harmonisation salariale pour en faire un levier de la croissance et un instrument équitable de répartition. Je ne parle pas de l'abrogation de l'article 87 bis déjà annoncée lors de la tripartite précédente. Ni même d'ailleurs de la définition du salaire national minimum garanti (SNMG) qui ne devrait inclure que le salaire de base, pour revenir à la norme internationale du droit du travail. Ce qui posera problème, ce sont les critères d'harmonisation des grilles de salaires rendues obsolètes par la suppression en janvier 2015 de l'article 87 bis. Les estimations exagérées, souvent farfelues, des montants des incidences financières sur le budget de l'Etat et les trésoreries des entreprises, rapportées par les médias, ne contribuent guère à instaurer la sérénité et la pondération nécessaires à ce type de négociations salariales. J'avais expliqué la semaine dernière dans ces mêmes colonnes en quoi l'abrogation de l'article 87 bis déséquilibrera l'architecture des grilles salariales en vigueur. La difficulté résidera donc dans la recherche négociée d'une harmonisation sans dérive salariale insupportable pour le budget de l'Etat et les ressources des entreprises. Hors administration publique, cela sera un exercice décentralisé au niveau des branches et des entreprises, car la fixation de salaire est une relation contractuelle entre employeurs et salariés directement ou à travers leur représentation. On verra alors si les conventions de branche négociées sont réellement des instruments opérationnels et efficaces auxquels les entreprises privées ont tout intérêt à souscrire si elles ne l'ont pas déjà fait. Dans tous les cas de figure, il serait hasardeux d'augmenter le SNMG nouvelle version avant que la fonction publique et les entreprises n'aient absorbé les effets de cette harmonisation. Certes, la marge de manœuvre est étroite pour les partenaires sociaux et les pouvoirs publics, mais il faudra bien trouver un compromis salarial acceptable et surtout supportable par les parties. C'est possible pour autant que l'on considère cette redéfinition du SNMG dans une perspective correctrice féconde plutôt que dans un rattrapage immédiat de revenus salariaux, car la loi ne peut être rétroactive dans ses effets, notamment salariaux. Autre point de discorde, celui de l'introduction du contrat à durée déterminée (CDD) dans le code du travail. Il faut observer d'abord que c'est la réalité économique qui impose l'existence de ce type de contrat. Que feraient les entreprises du BTPH et du montage industriel à la fin de leurs chantiers si cette disposition n'existait pas, d'autant que la loi leur fait obligation de recruter localement pour certains postes ? Le tout étant, à mon avis, d'éviter les abus et de limiter la précarité salariale et sociale qu'induirait l'usage du CDD. Ce que craignent à juste titre l'UGTA et les syndicats indépendants. Du côté des employeurs, d'autres préoccupations émergent aussi. Celle notamment du climat des affaires et du nouveau code des investissements (un de plus). De ce que j'ai pu lire des positions de quelques organisations patronales sur cette question récurrente (UNI, APAB, etc.), c'est la non-application sur le terrain des dispositions du code existant qui pose problème et non sa nième révision (le nouveau texte serait remanié "à 80%"). Les blocages à l'investissement sont identifiés : difficulté et lenteur d'accès au foncier industriel, inertie et lenteur des procédures bancaires d'accès au crédit, pesanteurs administratives diverses. Si ces contraintes sont levées, ils considèrent que le code actuel des investissements, pour autant qu'il soit effectivement appliqué, est déjà attractif. A l'inverse, j'estime que les mesures, en cours d'introduction dans le secteur public industriel marchand par le ministre en charge de l'industrie, sont intéressantes et vont dans le sens du "repeuplement industriel", pour reprendre son expression. Mais dans tous les cas, la concertation préalable avec les organisations patronales privées et publiques est incontournable. Dans le même ordre d'idées, mais dans un autre secteur, celui de l'énergie, j'observe une reprise en main rapide et efficace du potentiel productif par le nouveau management intérimaire de Sonatrach. Qu'on en juge : 13 découvertes au premier semestre 2014, règlement du vieux contentieux sur les prix entrée du gaz avec le groupe omanais Suhail Bahan pour l'usine d'engrais d'Arzew, accord du même type que le précédent avec le groupe espagnol Villar Mir qui permettra le démarrage effectif de la deuxième usine d'engrais El-Bahia Fertilizer, et enfin retour opérationnel de Statoil sur le champ de Tiguentourine. Dommage que Sonatrach ne nous dise pas tout, car on aurait bien aimé connaître le détail des deux accords cités plus haut. Pour le reste, la vigilance est de mise, car les prix des hydrocarbures continuent leur baisse malgré les incertitudes géopolitiques, car la croissance mondiale diminue, y compris en Asie. Pour conclure, espérons simplement que la tripartite de demain donnera un signal de cohésion sociale et d'ambition industrielle et non de confrontation et de fuite en avant populiste. Le pays en a grand besoin en ces temps d'incertitude généralisée et de menaces de toute nature. Nom Adresse email