Annoncée pour ces jours-ci, la tripartite sociale risque encore d'être reportée en raison du calendrier du Premier ministre. Entre-temps, les commissions se penchent sur les dossiers importants qui seront traités lors de ce rendez-vous. L'article 87 bis du code du travail, ignoré lors de la tripartite économique d'octobre, sera, cette fois-ci, à l'ordre du jour, affirme-t-on auprès du patronat. El Watan Week-end décortique le 87 bis. 1- Pourquoi un tel article ? En 1994, alors que l'Algérie vivait des conditions économiques critiques et la masse salariale du pays ne correspondait pas à la rentabilité et aux performances des entreprises, il fallait élaborer un plan d'urgence. Les pouvoirs publics avaient deux modalités d'intervention : premièrement décider des compressions de postes d'emploi où 400 000 travailleurs étaient licenciés. Deuxième décision : agir sur les salaires. Et c'est ainsi que l'Etat a décidé de modifier le contenu du SNMG, d'où l'instauration de l'article 87 bis du code du travail. Certains experts affirment que cet article a été élaboré par le FMI qui a imposé des conditionnalités draconiennes à l'Algérie, en cessation de paiement en 1994.
2- C'est quoi l'article 87 bis ? L'article 87 bis du code du travail définit la composante du salaire national minimum garanti (SNMG), qui englobe le salaire de base, les primes et les indemnités, quelle que soit leur nature. Les augmentations du SNMG ne touchent donc pas automatiquement toutes les catégories de salariés, notamment celles dont les salaires ne sont pas indexés sur le SNMG.
3- Qui est concerné ? Ceux qui sont payés au SNMG. En clair, les travailleurs manufacturiers, certains salariés de la Fonction publique et d'autres d'entreprises privées. C'est donc les salariés les moins bien payés.
4- Pourquoi les travailleurs veulent sa suppression ? La révision ou l'abrogation de l'article 87 bis relèvera automatiquement les salaires de base inférieurs au SNMG (18 000 DA). Mais pour les organisations patronales regroupant aussi bien les entreprises publiques que privées, c'est une charge supplémentaire difficile à supporter. Les syndicats, quant à eux, exigent cette révision qui fait l'objet d'un débat récurrent au sein des différentes tripartites depuis 2005.
5- Pourquoi l'Etat n'arrive pas à prendre de décision ? C'est une décision purement économique mais également politique. Si une décision est prise avant l'élction présidentielle, cela relèverait du calcul politique car économiquement, l'Etat n'est pas prêt. Cela d'autant plus que le tissu économique est composé de très petites entreprises privées, incapables de supporter la hausse des salaires.
6- Quel est l'impact financier sur le budget de l'Etat ? Il y a quelques années, le gouvernement estimait l'impact financier d'une éventuelle suppression de l'article litigieux à 500 milliards de dinars pour l'Etat et 40 milliards de dinars pour les entreprises publiques et privées. Selon un rapport de l'UGTA, la formule relative à l'alignement des salaires de base inférieurs au SNMG sur ce dernier, IEP (indemnité d'expérience professionnelle) incluse, concernerait près de 693 313 fonctionnaires et induirait une incidence financière de près de 49 milliards de dinars. Alors que dans le cas de la suppression du 87 bis (alignement sur le SNMG mais sans inclure l'IEP), l'incidence financière serait de près de 76 milliards pour un effectif de 997 679 fonctionnaires.
7- Y a-t-il possibilité de l'abroger ou de le supprimer ? Le chef de la mission du Fonds monétaire international (FMI) en Algérie, Zeine Zeidane, a mis en garde, lors de sa visite à Alger en novembre dernier, les autorités algériennes quant aux répercussions de l'annulation de l'article 87 bis. Une mise en garde sérieusement prise en charge, à en croire Karim Djoudi, ministre des Finances : «Les recommandations du FMI sur la situation financière en Algérie seront prises en considération», a-t-il dit. Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Mohamed Benmeradi, a également déclaré que «l'annulation de l'article 87 bis n'est pas à l'ordre du jour. Il est seulement question de sa révision. Le tissu économique est plus ou moins en mesure aujourd'hui de supporter le choc d'une révision de l'article 87 bis». Le même ministre a affirmé, il y a quelques semaines, que les conditions étaient en train d'être réunies pour une telle révision, sans pour autant révéler un quelconque calendrier. Le patron de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, va tout de même retenter sa chance en affirmant que l'introduction de la demande de son abrogation à la prochaine tripartite sociale n'est pas écartée.
8- Quelles seront les répercussions financières de son abrogation sur les entreprises ? L'abrogation de l'article 87 bis entraînerait une hausse de 20% des salaires. A Cosider, par exemple, la masse salariale globale augmentera de plus de 38,69% avec l'abrogation du 87 bis. A Sonelgaz, la masse salariale, qui est de 42 951 095 DA passera à 52 829 846 DA, soit une augmentation de 23%.Mais la situation diffère d'une entreprise à une autre. Celles qui se portent bien financièrement n'auraient pas de difficulté à s'adapter à d'éventuelles nouvelles grilles de salaires, à l'image des entreprises de l'agroalimentaire et du bâtiment.
9- Qu'a décidé le gouvernement ? Depuis déjà deux ans, des groupes de travail se penchent sur la question pour trouver une solution qui arrangerait à la fois les travailleurs sans mettre en difficulté les entreprises. En clair, rechercher une modalité d'application équilibrée qui satisfasse le travailleur tout en évitant à la masse salariale d'exploser. Il est donc probable d'aligner le SNMG sur le traitement de base + l'IEP. Il s'agit d'une formule qui va avoir moins d'impact sur le Trésor public et la trésorerie des entreprises économiques.
10- Y a-t-il des répercussions sur les retraites ? Non, il n'y a pas de lien direct. Car la retraite est calculée sur le salaire cotisable, augmenté des indemnités et primes.