Révulsée par la décapitation de l'otage français par le groupe terroriste Jund al-Khilafa, l'opposition n'a pas mâché ses mots, jeudi à Alger, en faisant porter le chapeau de la dégradation de la situation sécuritaire au régime en place. Les animateurs de l'instance de concertation et de suivi, mise en place début septembre par la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) et le Pôle du changement, qui se sont réunis avant-hier au siège de la permanence d'Ali Benflis, ont vigoureusement dénoncé l'assassinat du ressortissant français et les groupes terroristes. Dans le communiqué sanctionnant ses travaux, l'opposition a assuré que "la responsabilité quant à l'absence de la sécurité dans le pays incombe au pouvoir", avant de mettre ce dernier en garde contre tout "alignement derrière les plans et les alliances suspectes obéissant à des agendas étrangers". Deux dirigeants islamistes, Abderrezak Makri (MSP) et Mohamed Dhouibi (Ennahda), ont développé, bien avant le début de la réunion, la théorie du complot, estimant que l'assassinat du randonneur français aurait été fomenté par des parties étrangères dans le but d'entraîner l'Algérie dans la guerre contre le Daesh en Irak et dans une intervention en Libye. "Il y a un plan pour impliquer l'Algérie dans ce qui est appelé la lutte contre le terrorisme international. Un terrorisme qui est devenu un épouvantail. L'existence de ces groupes terroristes pose un grand point d'interrogation. Les grandes puissances s'en servent comme prétexte pour s'ingérer dans les affaires internes des pays et faire chanter les régimes faibles", a analysé M. Dhouibi. "C'est un acte suspect qui a pour but d'impliquer l'Algérie dans le désordre qui prévaut au Moyen-Orient", a soutenu M. Makri. Poussant le bouchon plus loin, le président du MSP a lâché : "Les services secrets du monde entier utilisent le terrorisme." Le guide touristique niçois aurait-il été liquidé par une centrale de renseignement d'un pays étranger ? Le président du MSP refuse d'en dire plus. "Je suis un homme politique, je fais des lectures politiques", s'est-il contenté de dire. "Le moment est venu pour renforcer le front interne, mais sur la base d'un vrai consensus." Loin de faire sienne cette lecture "complotiste", l'ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, a condamné l'assassinat d'Hervé Gourdel qu'il a qualifié d'"acte odieux et inhumain". "Cette situation triste et tragique vient de nous rappeler que si notre pays est parvenu à contenir le terrorisme, il est encore loin d'être totalement à l'abri de tous ses agissements criminels", a-t-il ajouté. Et M. Benflis de recommander vigilance et mobilisation pour "faire face à la menace terroriste qui pèse toujours sur notre pays dans toutes ses formes intérieures comme extérieures". Le secrétaire général de Jil Jadid, Soufiane Djilali, n'a pas caché ses craintes de voir l'Algérie s'enfoncer davantage dans la spirale de l'insécurité. "Cette affaire précipitera le pays dans une période d'instabilité. La presse du monde entier se focalise aujourd'hui sur nous", a-t-il déploré. Même indignation chez le RCD qui, à l'issue de la réunion hier de son bureau exécutif, a qualifié l'assassinat du guide touristique français d'"odieux", non sans souligner la responsabilité du pouvoir dans l'impasse politico-sécuritaire dans laquelle s'est englué le pays. "L'impuissance de l'Etat à assurer la sécurité sur tout le territoire national, d'une part, et la stratégie du système à s'accommoder avec un minima de terrorisme, voire à entretenir un niveau de violence dans le pays, d'autre part, particulièrement en Kabylie, sont le pendant de la volonté de fermeture de la vie publique et de la répression de toute contestation politique et sociale. Le pouvoir se retrouve aujourd'hui pris à son propre piège", analyse le RCD. Le parti de Mohcine Belabbas estime que "la confiscation de la résistance et du sacrifice citoyens et des forces patriotiques contre le terrorisme islamiste par la promulgation de la charte dite ‘pour la paix et la réconciliation nationale' qui consacre l'impunité porte les germes des conflits futurs".