1- La notion de licence selon les règles de l'OMC Les licences d'importation peuvent être définies comme étant des procédures administratives qui exigent, comme condition préalable à l'importation de marchandises, la présentation à l'organe administratif compétent d'une demande ou d'autres documents (distincts des documents requis aux fins douanières). Les procédures de licences automatiques ne doivent pas être administrées de façon à exercer des effets de restriction sur les importations et aucune discrimination ne doit être faite entre les personnes ou entités demandant des licences automatiques. Toutes les personnes remplissant les conditions légales prescrites devraient pouvoir, dans des conditions d'égalité, demander et obtenir des licences d'importation. On entend par licences d'importation non automatiques les licences d'importation qui ne répondent pas à la définition des licences d'importation automatiques (article 3:1). Les licences non automatiques ne doivent pas exercer, sur le commerce d'importation, des effets de restriction ou de distorsion s'ajoutant à ceux que causera l'introduction de la restriction, et doivent correspondre, quant à leur champ d'application et à leur durée, à la mesure qu'elles servent à mettre en œuvre (article 3:2). L'article VIII du GATT (intitulé Redevances et formalités se rapportant à l'importation et à l'exportation) traite des procédures de licences d'importation de manière non spécifique. Le paragraphe 1 c) établit, en ce qui concerne les formalités, une obligation générale aux termes de laquelle les Membres reconnaissent la nécessité de réduire au minimum les effets et la complexité des formalités d'importation et d'exportation et de réduire et de simplifier les exigences en matière de documents requis à l'importation et à l'exportation. Le paragraphe 2 fait obligation à chaque Membre "d'examiner l'application de ses lois et règlements compte tenu des dispositions du présent article" à la demande d'un autre Membre. Le paragraphe 3 fait interdiction aux Membres d'imposer "des pénalités sévères pour de légères infractions à la réglementation ou à la procédure douanières". L'article X fait obligation aux Membres de publier dans les moindres délais les lois, règlements et décisions judiciaires et administratives d'application générale, y compris celles visant les prescriptions relatives à l'importation ou à l'exportation et de les appliquer d'une manière uniforme, impartiale et raisonnable. Le Code du Tokyo Round intitulé Accord relatif aux procédures en matière de licences d'importation était l'un des accords visant les mesures non tarifaires conclus au cours des négociations commerciales multilatérales tenues entre 1973 et 1979. Ce code est entré en vigueur le 1er janvier 1980 avec pour objectif d'empêcher que les procédures en matière de licences d'importation n'entravent indûment le commerce international. En tant qu'accord distinct, ce code n'était contraignant que pour les seuls pays qui l'avaient signé et ratifié. Au cours du Cycle d'Uruguay il a été révisé pour renforcer les disciplines relatives à la transparence et aux notifications. L'Accord révisé est entré en vigueur le 1er janvier 1995, il a force obligatoire pour tous les membres de l'OMC. Ainsi, les membres doivent appliquer les procédures de licences d'importation avec neutralité et les administrer de manière juste et équitable (article 1:3). Les demandes ne doivent pas être refusées en raison d'erreurs mineures dans la documentation ou faire l'objet de fortes pénalités en cas d'omissions ou d'erreurs dans les documents ou dans les procédures qui sont manifestement dénuées de toute intention frauduleuse ou ne constituent pas une négligence grave (article 1:7). Les marchandises importées sous licence ne doivent pas être refusées en raison d'écarts mineurs en valeur, en quantité ou en poids par rapport aux chiffres indiqués sur la licence attribuables à des raisons compatibles avec une pratique commerciale normale (article 1:8). 2- La réponse du gouvernement Le ministre du Commerce n'a pas su bien communiquer et la réponse du gouvernement qu'il m'a adressée, me semble être plus claire et confirme aux règles de l'OMC, réponse que je résume en six points : "a.-La liberté du commerce et de l'industriel est le fondement de la politique économique et commerciale du gouvernement algérien, consacrée par l'ensemble des dispositions de la législation algérienne b.-Dans ce cadre, cette législation à l'instar de ce qui est prévu par les législations de plusieurs pays à économie ouverte en Europe et ailleurs , la possibilité de recourir dans des cas précis et prédéfinis, période de transition, afin de mettre à niveau l'appareil productif, aux licences d'importation ou d'exportation neutres dans leur application et administrées de manière juste et équitable, pour gérer des exceptions à cette liberté du commerce et ce en conformité aux règles de l'OMC. c.-C'est dans ce cadre que le gouvernement a élaboré un projet d'amendement de l'ordonnance 03-04 du 19 juillet 2003 relatif aux règles générales applicables aux opérations d'importation et d'exportation de marchandises, les amendements devant permettre de mettre à niveau la législation conformément aux règles d'une économie ouverte. d.-A la différence du régime restrictif de licences appliqué auparavant en matière d'importation, ces prochaines licences sont définies comme des procédures administratives dans les règles de l'OMC et visent à assurer une meilleure qualité et sécurité des produits afin de préserver la santé humaine, animale et végétale. e.-Enfin référence aux règles de l'OMC, dont les textes stipulent que les licences d'importation sont des procédures administratives exigeant, comme condition préalable à l'importation de marchandises, la présentation à l'organe administratif compétent d'une demande qui est distincte des documents requis aux fins douanières, le gouvernement précise que ce genre de licence n'entraîne pas une restriction ou une distorsion des importations et que le contrôle fait par l'administration ne concerne que les aspects de la qualité et de la conformité et non pas les aspects commerciaux, à veiller sur la loyauté des transactions commerciales, et ce, que ce soit entre la communauté des commerçants eux-mêmes lorsqu'il font leurs échanges ou entre le détaillant et le consommateurs alors que l'ancien régime avait pour but la répartition d'un montant de devises sur des importateurs"(fin de la correspondance). f.-Il y a lieu d'éviter tout malentendu : les propos du premier ministre Abdelmalek Sellal qui lors de son voyage en France et récemment aux USA a demandé officiellement la compréhension pour aider l'Algérie à adhérer à l'OMC, s'étant engagé à ce que l'Algérie réalise des réformes en faveur d'une économie ouverte, devant favoriser une économie productive hors hydrocarbures, ont été retirés de leur contexte. Il n'a jamais affirmé que l'Algérie n'adhérera pas à l'OMC (adhésion contenue dans le programme du président de la République), mais que cette adhésion ne peut se faire au détriment des intérêts supérieurs de l'Algérie. Dans ce contexte, à l'instar de la Russie qui a bénéficié des Accords de Doha prévoyant une période de transition pour les pays du tiers monde, l'expérience de la Russie qui a bien négocié son adhésion peut être utile à l'Algérie. 3- L'expérience de l'adhésion de la Russie à l'OMC Rappelons en nous en tenant aux pays en voie de développement, après des poids lourds du continent Afrique, le Nigeria et l'Afrique du Sud, ou de petits pays comme le Tchad, le Niger, le Togo, l'Angola, le Bénin, le Gabon, la Côte d'Ivoire, le Ghana, des pays du Maghreb, le Maroc et la Tunisie, la majorité des pays arabes pétroliers dont le dernier en date est l'Arabie Saoudite, sans compter la majorité des pays de l'Amérique du Sud dont le Brésil ,le Venezuela, le Chili, la Bolivie, le Pérou, le Mexique, Cuba, en Asie avec l'Inde, l'Indonésie, la Malaisie, le Vietnam, la Corée du Sud et la Chine, cette dernière ayant adhéré à l'OMC en 2001, sans oublier la Turquie, voilà un autre fondateur du communisme qui adhère à l'OMC, la Russie, adhésion ayant été approuvée le 15 décembre 2011 par le groupe de travail ad hoc de l'OMC. L'organisation va avec ce nouveau membre de poids couvrir désormais 98% du commerce mondial, contre 94% précédemment. Pour accéder à l'OMC, la Russie a conclu 30 accords bilatéraux pour l'accès aux marchés des services, et 57 pour l'accès des biens. Concernant l'aspect multilatéral, Moscou a accepté d'abaisser le seuil de ses tarifs à 7,3%, contre 10% actuellement. La Russie a aussi accepté de limiter ses subventions agricoles à 9 milliards de dollars en 2012, et de les réduire progressivement à 4,4 milliards d'ici 2018. Sur le plan des télécoms, la Russie a accepté que le seuil de 49% maximum de capitaux étrangers soit supprimé 4 ans après son accession à l'OMC. Sur le plan bancaire, les banques étrangères pourront librement ouvrir des filiales en Russie, mais ne pourront pas représenter plus de 50% du système bancaire suisse. Par ailleurs, à partir du jour de l'accession, les importations d'alcool, et de produits pharmaceutiques ne seront plus soumises à des licences d'importation. La Russie s'est aussi engagée à pratiquer des tarifs commerciaux "normaux", pour le gaz naturel. Pour les responsables russes et notamment, le négociateur en chef russe, M. Maxim Medvedkovo, concernant la crise actuelle et la mondialisation, il vaut mieux d'essayer de changer les institutions financières et économiques mondiales de l'intérieur, plutôt que d'être mis de côté. Toujours selon les autorités russes, devenir membre de l'OMC signifie pour les Russes qu'ils pourront bientôt acheter des machines-outils et les biens durables qu'ils importent, à des prix bien moins élevés qu'auparavant. 45% des importations russes sont des machines et des biens durables. L'adhésion de la Russie à l'OMC va lui permettre d'exporter plus de produits qu'avant. Son industrie sidérurgique notamment ne sera plus sujette aux quotas imposés aux exportateurs non membres de l'OMC. De plus, les barrières douanières vont disparaître sur 700 catégories de produits, ce qui va faire baisser les taxes à l'importation de 10 à 7%. 4. L'impact de l'adhésion à l'OMC pour l'Algérie Quant à l'Algérie, elle est observatrice à l'organisation OMC depuis 1987 c'est-à-dire depuis bientôt 27 ans et cet accord a des incidences stratégiques sur le devenir tant de l'économie que de la société algérienne. Nous aurons l' interdiction du recours à la "dualité des prix " pour les ressources naturelles ; l'élimination générale des restrictions quantitatives au commerce (à l'import et à l'export) ; les normes de qualité pour protéger la santé tant des hommes que des animaux (règles sanitaires et phytosanitaires); obligation d'observer les règles de protection de l'environnement dans l'usage de l'énergie pétrolière; les accords environnementaux conçus, certes, en dehors de l'OMC, ont été intégrés dans les préoccupations de l'OMC lorsque cet aspect nuit au bon développement du commerce ; des mesures concernant la liberté des mouvements de capitaux (transfert de profits); la propriété intellectuelle dont la protection est une condition essentielle afin de lutter contre le piratage et donc, l'intégration de la sphère informelle dominante intimement liée à la logique rentière en Algérie qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation et plus de 65% des segments de produits de première nécessité au niveau du marché intérieur. Tant les accords avec l'Union européenne que ceux de l'OMC, prévoient de développer les échanges en mettant en place les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux. Tous les monopoles d'Etat devront être ajustés progressivement de manière à qu'il n'existe plus de discrimination en ce qui concerne les conditions d'approvisionnement et de commercialisation des marchandises entre les ressortissants des Etats membres. Ces accords devraient donc faire passer les industries algériennes du statut d'industries protégées à des industries totalement ouvertes à la concurrence internationale avec la suppression totale des obstacles tarifaires et non tarifaires, posant d'énormes défis aux entreprises algériennes. L'Algérie a demandé officiellement la demande de révision de l'Accord d'association avec l'Union européenne pour les tarifs douaniers, avec un report jusqu'en 2020 au lieu de 2017, Mais est-ce que trois ans suffiront pour avoir des entreprises publiques ou privées compétitives en termes de coût-qualité ? L'adhésion ou pas à l'OMC dépendra grandement des rapports de forces internes (donc politiques) et surtout d'une réelle volonté de clarification de la trajectoire future d'une libéralisation maîtrisée de l'économie algérienne pour une efficacité économique couplée avec une profonde justice sociale évitant cette concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière et donc une lutte efficace contre la corruption qui prend des proportions dangereuses. Ceci n'est pas une question de lois déjà nombreuses mais de pratiques sociales renvoyant à l'urgence d'une gouvernance rénovée. Pour avoir un impact positif sur l'économie algérienne ( ce qu'elle perd à court terme elle le gagnera à moyen terme) ne pouvant s'isoler des nouvelles mutations mondiales, la nouvelle politique économique algérienne devra mieux articuler le jeu du marché et l'action de l'Etat fondamental en tant que régulateur dans son rôle d'encadrement macroéconomique et macrosocial, au sein d'un espace équilibré et solidaire, le défi étant l'arrivée massive sur le marché du travail de millions de jeunes dans les deux prochaines décennies. La question qui se pose alors est celle de la possibilité de modifier le régime de croissance pour atteindre un double objectif, aujourd'hui apparemment contradictoire : d'une part, créer les emplois nécessaires, d'autre part, améliorer la compétitivité internationale tout en distribuant davantage de revenus, notamment par le canal de la productivité des facteurs. La position extérieure de l'Algérie reste dominée par la faiblesse inhérente à sa spécialisation dans les hydrocarbures. Disposant d'une richesse naturelle éphémère, celle-ci étant amenée à s'épuiser, l'Algérie doit à la fois préserver cette ressource pour les générations futures et progressivement trouver des sources de revenus différents. Il s'ensuit que les niveaux de croissance nécessaires pour entraîner une amélioration significative de la situation sont estimés à 8/9% par an jusqu'en 2015/2020. Pourtant, la concrétisation des réformes, par une meilleure gouvernance et visibilité dans la démarche, menée avec détermination et pragmatisme, devrait permettre à l'Algérie, du fait de ses potentialités et de sa situation géographique, de jouer le rôle de pays pivot au niveau de la région passant d'ailleurs par l'intégration maghrébine au sein de l'Afrique du Nord et l'orientation de son appareil économique vers son espace social naturel qui est l'Afrique. Dr A. M. (*) professeur des universités, expert international en management stratégique [email protected]