L'expert tire ici la sonnette d'alarme. Mourad Preure se prononce également sur l'état et l'évolution de Sonatrach : "Je l'ai toujours dit, la puissance pétrolière et gazière de notre pays provient de la puissance, de la compétitivité de Sonatrach articulée aux sociétés de service, PME, universités algériennes davantage que de l'état de nos réserves et de nos productions. Pour prendre un exemple, la puissance pétrolière de la France, qui ne détient pas de réserves, provient de la puissance de son groupe pétrolier national, Total qui a une excellence technologique et managériale lui permettant de détenir et produire des réserves partout dans le monde et d'assurer ainsi la sécurité des approvisionnements en hydrocarbures de la France. Total est articulé aux sociétés de service françaises qu'il a tirées dans son développement, Technip par exemple, aux universités et à l'Institut français du pétrole, institution née et portée par cette vieille sentence gaullienne : "Nous n'avons pas de pétrole, mais nous avons des idées." Car la puissance pétrolière est en effet dans les idées, dans la technologie et le management pétrolier. Nous devons porter Sonatrach très haut, dans cette perspective. Il faut, au préalable, protéger et soutenir Sonatrach. Songez qu'elle vit depuis quatre ans une crise grave ! Ceci est inédit et très dangereux pour une compagnie pétrolière, son image est altérée, elle perd ses techniciens comme un corps se vide de son sang, son développement est quasiment à l'arrêt. Et cela survient au moment où notre industrie est en plein bouleversement. Nos débouchés sont menacés avec l'arrivée des non-conventionnels et la découverte de nouvelles zones de production. Nos concurrents engagent de sévères manœuvres stratégiques pour se positionner dans cette compétition. Les compagnies opèrent leur mue et deviennent des compagnies énergétiques, offrant, dans une logique "from well, to wheel" (du puits à la roue) au consommateur final carburant, molécules de gaz et kilowattheures. Elles se renforcent sur le plan technologique dans les hydrocarbures mais aussi dans les renouvelables en s'imposant comme acteur-clé de la transition énergétique." Le spécialiste est pour une alliance stratégique entre Sonatrach et Sonelgaz pour faire face à ces enjeux : "Voilà pourquoi je préconise la fusion Sonatrach-Sonelgaz pour former un grand énergéticien national en mesure de mener la bataille dans une scène énergétique mondiale de plus en plus compétitive, en mesure, appuyé par nos universités et nos PME, de prendre en charge la transition énergétique dans notre pays et de faire entrer l'Algérie, demain, dans le nucléaire. Pendant ce temps, nous laissons faire et accablons Sonatrach qui n'est pas responsable de ce qu'elle ait eu des dirigeants peu scrupuleux, incompétents et peu attentifs à l'intérêt national". Selon l'expert, les perspectives ne peuvent être que sombres pour Sonatrach, et partant pour l'Algérie, si des mesures ne sont pas prises au plus haut niveau de l'Etat pour inverser les tendances précitées. "La conséquence pour le pays risque d'être tragique. C'est une question d'intérêt national qui doit être traitée au plus haut niveau de l'Etat. Le Conseil supérieur de l'énergie doit être réactivé très vite pour prendre la mesure de l'ensemble des enjeux et challenges qui se posent impérativement à notre pays dans le domaine énergétique et dont la non-prise en compte risque de mettre en péril la Nation."