Pour les premières élections législatives depuis la révolution de 2011, sans compter le scrutin qui avait élu l'Assemblée constituante, près de 5,3 millions d'électeurs prennent aujourd'hui le chemin des urnes dans 33 circonscriptions afin d'élire à la proportionnelle 217 députés parmi les quelque 1 300 listes candidates. Les Tunisiens de l'étranger votent, pour leur part, depuis vendredi, dans leurs pays respectifs. Ainsi en est-il des 1 050 Tunisiens inscrits dans la circonscription électorale d'Alger, qui ont commencé le vote hier dans les 4 bureaux réservés à cet effet par le consulat. Ce scrutin crucial fait suite à une campagne électorale morose, largement dominée par la bipolarité entre les islamistes d'Ennahda, au pouvoir de début 2012 à début 2014, et leurs principaux rivaux de Nidaa Tounes, une formation hétéroclite rassemblant aussi bien des anciens opposants au dictateur déchu de Zine el-Abidine Ben Ali que des caciques de son régime. Les deux partis sont d'ailleurs les principaux favoris à ces élections. À l'occasion de ce scrutin, les islamistes d'Ennahda caresseraient bien le rêve de l'emporter. Mais ce parti, qui avait ensuite enrôlé deux petites formations de gauche, dans le cadre d'une troïka formée avec deux partis séculiers, le Congrès pour la République de Moncef Marzouki et Ettakatol (socialiste) du président de l'Assemblée constituante sortante Mustapha Ben Jaâfar, a beaucoup perdu de son lustre d'antan. Le parti de Ghannouchi a déçu de larges pans de la société, qui lui reprochent, notamment, son incapacité à venir à bout de la crise de chômage endémique qui frappe de plein fouet l'économie du pays, sans parler de ses incidences sur la dégradation de la situation sécuritaire. C'est sous la pression populaire, donc, qu'il a quitté le gouvernement, en janvier 2014. L'apparition en juillet 2012 de Nidaa Tounes fondée par Béji Caïd Essebsi, dit BCE, un ancien ministre de Bourguiba, a induit une nouvelle donne, en ce sens qu'il aura constitué un sérieux concurrent et l'alternative la plus crédible aux islamistes. Il rassemble d'anciens cadres du régime de Ben Ali, des syndicalistes, des hommes ayant milité à gauche et même quelques islamistes en rupture de ban. Mais, là aussi, la victoire pour Nidaa Tounes, qui joue la carte anti-islamiste, ne paraît pas certaine, non plus, depuis qu'Ennahda a quitté le gouvernement ; de quoi donner leurs chances à ces législatives, à de petites formations composées par des anciens du parti de Ben Ali, des personnalités du centre ou de la gauche ou des hommes d'affaires. D'ailleurs, le mode de scrutin — la proportionnelle au plus fort reste — est de nature à favoriser les petites formations. Et même si l'un des partis Nidaa Tounes et Ennahda remporte ces élections, aucun ne pourra réunir la majorité de 109 députés sur 217. Ils devront certainement composer avec les petits partis, pour la formation du prochain gouvernement. Mais la plus grande inconnue de ces élections reste le degré participation des Tunisiens, en ce sens que l'abstention constitue la hantise des autorités. Amar R.