Finalement, l'islamisme est soluble dans la démocratie. La Tunisie vient d'en apporter la preuve et de donner, par la même occasion, une leçon aux soi-disant tenants de la vérité divine. La période de transition, qui a duré près de quatre ans, a permis à la société civile active du pays du Jasmin de gagner en maturité et de forger une citoyenneté déjà aguerrie, à l'exemple de la Centrale syndicale, des avocats et surtout le rôle de la femme dans l'avancée des acquis démocratiques. Cette période a permis aussi de mesurer les limites du projet islamiste porté par Ghannouchi et de mettre à nu l'inaptitude du parti Ennahdha à gérer le pays, selon des normes basées notamment sur la compétence. Le clientélisme effarant dont il a fait un emploi effréné a creusé sa tombe. Ces élections législatives d'un mode nouveau demeureront l'exemple à suivre aux régimes du monde arabe, et il est à parier que ni les menaces ni les promesses ne résisteront à la transition démocratique, devenue inéluctable. La Tunisie a réussi des élections "propres et honnêtes", selon l'expression chère à nos hommes politiques pour la raison suivante, pour une grande partie : la gestion du scrutin par l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), qui est une institution indépendante, sortie des élections et qui n'a de compte à rendre qu'à la justice. On est donc loin de cette administration qui relève statutairement du pouvoir qui l'a installée. À son corps défendant, elle ne peut être neutre tant l'épée de Damoclès est au-dessus de sa tête. Les enseignements à tirer sont les suivants : la Tunisie a pris le temps nécessaire à asseoir les fondamentaux pour une édification d'une deuxième République. Près de deux ans ont été consacrés à rédiger une Constitution dont chaque article a fait l'objet de plaidoiries et de diatribes. Il n'en demeure pas moins que les Tunisiens sont désormais en possession d'un texte consensuel. Ensuite, la preuve est faite que l'islamisme politique n'est, en fin de compte, qu'un avatar et ne peut constituer un modèle de gestion. Enfin, Bouazizi et les autres martyrs de la révolution du Jasmin ne sont pas morts pour rien.