Un dispositif de sécurité a déjà été mis en place en Kabylie depuis quelques jours. Jamais au grand jamais, la Kabylie n'a été aussi bien quadrillée par la police et la gendarmerie que ces derniers jours. Il est vrai qu'après les graves évènements du 30 mai dernier qui avaient contrarié sérieusement le déroulement des dernières élections législatives, les services de sécurité ont été renforcés d'une façon considérable pour tenter d'éviter de nouveaux dérapages susceptibles d'engendrer un autre camouflet pour le pouvoir. En effet, depuis plus d'une semaine déjà, de nombreuses unités d'URS ont déferlé sur la wilaya de Tizi Ouzou pour mettre en place un plan exceptionnel de surveillance et de protection d'une opération électorale que les citoyens de Kabylie qualifient de scrutin de tous les dangers. La plupart des sièges de mairie, de daïra et des établissements scolaires ont été littéralement envahis par les “hommes en bleu” alors que les éléments de la gendarmerie ont même fait leur réapparition sur les axes routiers de Oued-Aïssi, Draâ Ben-Khedda et Larbaâ Nath-Irathen. Depuis hier, de nombreux barrages routiers ont été dressés au quatre coins de la wilaya, alors que les villes et les villages ont été investis de fourgons blindés ou de Nissan de la police et de la gendarmerie. Mais à défaut d'atténuer quelque peu la tension, une telle invasion policière n'a fait qu'attiser le feu et échauffer les esprits dans de nombreuses localités telles que Béni Douala, Fréha, Azazga, Aïn El-Hemmam, Iferhounène, Timizart, Makouda et Irdjen où les affrontements entre forces de l'ordre et manifestants se sont soldés par plusieurs blessés dont certains dans un état grave. Pis, des menaces et des exactions, des écarts de langage et des agressions contre des citoyens ont été signalés et dénoncés dans de nombreuses localités où la population a même donné des ultimatums aux brigades de répression pour quitter les lieux sous peine de représailles. Devant une situation aussi explosive, les comités de villages et de quartiers multiplient les réunions de circonstance pour redoubler de vigilance. “Même du temps où le terrorisme ravageait la capitale, il n'y avait pas autant de policiers et de ninjas”, a tenu à nous lancer un citoyen d'Azazga. D'ailleurs, dans une déclaration rendue publique, hier, à Tizi Rached, la présidence tournante de la CADC a dénoncé “la situation d'extrême gravité engendrée en Kabylie par l'envoi massif des forces de répression (qui) est une dérive de plus à mettre à l'actif de la cécité politique d'un pouvoir voué aux gémonies par tout le peuple algérien. Les interminables convois de CNS et autres unités spéciales qui ne cessent d'investir la région ne sont que symptomatiques de la déroute d'un pouvoir aux abois qui est prêt à faire la guerre au peuple”. Sur sa lancée, la CADC ajoutera que “le pouvoir illégitime, qui tablait sur une dislocation que devait amener ces “envoyés spéciaux”, a été surpris par une Kabylie irréductible et renforcée par une nouvelle décantation dans ses rangs. La mesure de la déroute est telle qu'en plus de tous les renforts policiers, réquisitionnés pour la Kabylie, les gouvernants clandestins et usurpateurs sont allés jusqu'à remettre en circulation des brigades de gendarmes lesquels sont toujours mis en quarantaine dans la région”, pouvait-on lire dans la même déclaration de la CADC qui “met en garde contre les provocations et la répression menées par le pouvoir mafieux et dénonce la nouvelle campagne d'arrestations enclenchée par celui-ci (…) et exige la relaxation immédiate de tous les détenus”. Enfin, le mouvement citoyen appelle à “l'union du peuple algérien pour manifester son désir de changement, en rejetant le vote et en faisant du 10 octobre une journée de disqualification du système. L'opinion internationale se trouve encore interpellée et ne peut pas rester indifférente devant les violations massives et systématiques des droits de l'homme et des peuples”, conclut la déclaration de la CADC. M. H. Aït Yahia Moussa La RN 25 bloquée • À J-2 du scrutin du 10 octobre, les mesures arrêtées lors du conclave de la CADC à Tizi-Rached, à savoir le blocage des routes, commencent à être exécutées. Hier, vers 10h, la RN25 reliant la localité d'Aït Yahia Moussa à Tizi Ouzou a été bloquée par les citoyens. Au niveau du chef-lieu (ex-Oued Ksari), des troncs d'arbres ont été placés le long de la chaussée. Plusieurs pneus ont été brûlés à l'entrée et à la sortie de cette localité, et la circulation automobile a été perturbée. Les voyageurs à destination de Tizi Ouzou ont été contraints d'emprunter le CW 128 en passant par Boghni. Par ailleurs, nous avons appris que dans toute la région de Draâ El-Mizan, les engins (bulldozers, poclains) ont été réquisitionnés pour parer à toute tentative de blocage des axes routiers le jour du vote. Même les citoyens qui possèdent des tronçonneuses ont reçu des réquisitions. L'on se demande aussi pourquoi les véhicules de transport de voyageurs sont-ils, eux aussi, réquisitionnés. Un propriétaire de bus nous a même montré cette réquisition. O. G. AIN EL-HAMMAM Début des affrontements • C'est vers 11h que les premières escarmouches ont eu lieu au chef-lieu de la commune de AIn El-Hammam. Les premiers heurts entre les citoyens et les nombreux CNS postés au chef-lieu de daïra ont provoqué une révolte citoyenne face au maintien de cette mascarade électorale au niveau de la région. Dans la commune d'Akbil, la mairie du chef-lieu de commune a été occupée par des citoyens de la région et les responsables ont été sommés de quitter “gentiment” les lieux. Les nombreux CNS qui occupent le même siège (celui de l'APC) n'ont pas osé intervenir devant la détermination des citoyens. Dans la daïra d'Iferhounène, le siège de daïra a été assiégé par les citoyens, et les premières bombes de gaz lacrymogènes arrosent la ville. Les nombreux citoyens rencontrés veulent coûte que coûte en découdre avec les CNS pour exiger leur départ. Donc à l'approche du jour “J”, la tension ne cesse de prendre des proportions très dangereuses. Notons enfin qu'à Akbil, une réunion extraordinaire a été tenue par les citoyens pour décider de la fermeture de toutes les routes menant vers la région. R. H. Après un dernier ultimatum adressé aux candidats Marche populaire à Bounouh • La grogne de la population s'accentue à Bounouh (daïra de Boghni) où est prévue une marche populaire ce matin à 10h pour dire non aux élections de la honte. Lundi dernier, les citoyens de Bounouh avaient déjà exigé et obtenu le départ des CNS stationnés au siège de leur APC. Par ailleurs, dans cette même commune où cinq candidats de la seule liste FFS se sont déjà retirés, les citoyens ont adressé un dernier ultimatum pour aujourd'hui à 17h à tous les autres candidats pour se retirer de cette mascarade électorale. B. T. La police tire à Irdjen • Après une précaire accalmie dans la journée de lundi, la localité d'Irdjen a connu dans la soirée de la même journée de véritables scènes de far west. Tout a commencé lorsqu'un fourgon de transport dont les voyageurs étaient majoritairement des policiers en civil s'arrête devant une dizaine de citoyens au lieu-dit Tazguart, près du village Aït Halli. Pris de colère devant les insultes de quelques jeunes du village, les policiers n'hésitent pas à user de leurs PA et tirer plusieurs coups en direction des citoyens qui ont heureusement pris la fuite au bon moment. Le drame a pu être évité, mais la scène ne devait pas s'arrêter là. Les policiers ont sommé le chauffeur de redoubler de vitesse en direction du siège de l'APC, occupé par les CNS depuis jeudi dernier, en tirant à bout portant sur les citoyens de l'intérieur du fourgon. Un carnage a failli se produire lorsqu'une dizaine de policiers sort du siège de l'APC et commença à tirer eux aussi à bout portant sur la foule, et c'est là que le jeune Asli Ghilès, âgé de 16 ans, fut atteint au pied d'une balle réelle. Evacué vers le CHU de Tizi Ouzou, le jeune blessé fut gardé pour une intervention chirurgicale. S. L.