Dilemme pour Bush : comment gérer le retour à la souveraineté irakienne ou plus exactement comment sortir de l'enlisement tout en demeurant présent à Bagdad ? 30 années après la fin de la guerre du Vietnam, Washington se trouve, toutes proportions gardées, dans une situation identique. Le terme de bourbier évoquant le conflit indochinois tétanise l'ensemble de l'Amérique. En Irak, il ne s'agit pas de plier bagage, mais de s'appuyer sur un gouvernement et des forces locales en gestation, fragiles et, de surcroît, pas assez crédibles aux yeux des irakiens. Bush a, par ailleurs, concédé à réintroduire l'Onu dans la gestion de l'lrak post-saddam pour ne pas refaire l'erreur de la “vietnamisation” tentée à l'époque par Nixon avant de subir la débâcle militaire. Tous les experts sont formels : quitter précipitamment l'lrak serait inconcevable. Personne ne parle sérieusement de quitter l'Irak avant un an et plus, mais si la violence continue, la question du retour à la maison des forces américaines se fera plus pressante. Ce débat est au cœur de la campagne électorale pour l'élection présidentielle américaine de novembre, qui entre dans sa dernière ligne droite. Politiquement, on ne joue pas gagnant en gardant quelque 138 000 soldats américains en Irak, en ayant des employés de sociétés américaines tués tous les jours ou en engloutissant plus de 18 milliards de dollars dans la reconstruction du pays, estime l'United States Institute of Peace (USIP), un centre d'études de Washington. Tout le débat aux Etats-Unis consiste à savoir comment quitter l'lrak au plus tôt. Bush lui-même se fait plus prudent, même si officiellement il continue à croire en une transition idéale en Irak. Le secrétaire adjoint à la Défense Paul Wolfowitz, un des faucons qui ont théorisé l'occupation de Bagdad, reconnaît que la violence risquerait de s'intensifier jusqu'aux élections irakiennes, prévues au plus tard fin janvier 2005, se gardant de tout pronostic sur la durée de la présence militaire américaine. On verra la fin de la mission quand les Irakiens seront en mesure de défendre eux-mêmes leur pays, a-t-il déclaré devant le Congrès américain. Malgré le retour à une souveraineté irakienne, les Etats-Unis resteront massivement impliqués en Irak avec la présence de près de 140 000 soldats et une très large liberté d'action pour mener leurs missions comme ils l'entendent. Bush a souhaité partager le fardeau, mais cette perspective est des plus incertaines. La France et l'Allemagne refusent de voir l'Otan s'impliquer, comme le souhaitent les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, et l'Onu reste très réticente à revenir sur place, tant que la sécurité n'est pas améliorée. Sur ce point, tous les experts convergent pour affirmer que pour rétablir la sécurité, il faudrait au moins une force de 400 000 hommes. Or, aucun renfort significatif de troupes étrangères, autres qu'américaines et britanniques, ne se profile à l'horizon. Le nouveau pouvoir de Bagdad accélère la mise en place d'une armée nationale, mais les recrues sont la cible privilégiée d'attentats terroristes qui sont loin d'être contenus. D. B.