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Comment Bush va liquider Saddam
Publié dans Liberté le 09 - 01 - 2003

Les Américains ont déjà mis au point les modalités de la guerre qu'ils comptent livrer au régime irakien dans les prochaines semaines. Les conseillers de Bush devront les soumettre prochainement au Président pour qu'elles soient avalisées. Voici les détails de l'opération qui va liquider Saddam et bouleverser la situation au Golfe.
Quelles sont les forces américaines mises en place au Golfe ?
Vendredi 3 janvier. Le président américain se trouve en tournée à Fort Hood, la plus importante base militaire américaine au Texas. Devant ses troupes, il fait un discours dont la seule phrase qu'il faille retenir est celle-ci : “Nous sommes prêts”. Le président américain vient d'avaliser publiquement un plan que lui et ses principaux collaborateurs peaufinent depuis des mois. En effet, quelques jours plus tôt, exactement le 26 décembre, son ministre de la défense, Donald Rumsfeld, tenu pour être un sacré va-t-en-guerre signe un document confidentiel qui ordonne l'accélération des mouvements de troupes américaines qui seront engagées dans la guerre. 60 000 soldats sont déjà sur place. À quoi s'ajouteront prochainement 50 000 hommes. Le tout, déployés au Koweït, au Qatar, au Bahreïn et à bord des différents navires de guerre qui croisent autour du golfe Persique. L'armée américaine vient d'inviter 10 000 réservistes à se tenir prêts en cas de guerre. Des milliers d'agents de renseignements sont déjà en place en Turquie, au Kurdistan sans compter les espions disséminés ici et là en Irak. Plus d'une cinquantaine d'espions de la CIA se trouvent, actuellement, en Irak. Début janvier, des instructeurs américains s'emploient à l'entraînement d'opposants irakiens. Plus de 3 000 opposants seront formés à des tâches logistiques. Les Américains comptent également sur l'apport des soldats britanniques, 20 000 soldats, selon la presse, qui devront épauler le plan d'attaque américain. Les troupes françaises devront participer à l'effort de guerre. En dépit de l'hostilité de Jacques Chirac à une guerre contre l'Irak, le président français vient d'annoncer que son pays est prêt. Au total, quelque 200 000 soldats devront être mobilisés pour cette nouvelle croisade contre Saddam Hussein. Moins que durant l'opération “Désert Storm” en 1991 pour laquelle la coalition a dû engager 500 000 hommes. Cependant, les Américains estiment que le nombre est suffisant pour en venir à bout de l'armée de Saddam.
Comment en finir avec l'armée de Saddam ?
Selon des indiscrétions, les Américains comptent déclencher la guerre fin février, début mars. Certes, Washington est tenue d'attendre le 27 janvier, date de la remise du premier rapport des inspecteurs de l'ONU. Mais les principaux collaborateurs de George Bush ne se font aucune illusion sur les résultats des inspections en Irak. Les Américains ne tiendront pas et ne veulent pas tenir compte des résolutions du Conseil de sécurité que certains assimilent à un “machin”. Le plan d'attaque prévoit d'abord des bombardements massifs par l'US Force et l'US Navy. Les troupes terrestres suivront sur le terrain à partir des différentes bases déjà sur place au Golfe.
Comment va s'organiser la résistance de l'armée irakienne ?
À en croire les spécialistes, l'armée irakienne est plus forte aujourd'hui qu'elle ne le fut pendant la guerre du Golfe. Toby Dodge, spécialiste anglais, affirme que Saddam dispose, aujourd'hui, d'une armée de 375 000, prêts à le défendre bec et ongles. Saddam peut se prévaloir de trois cercles de gardes rapprochées. La Garde républicaine qui représente 70 000 personnes. Mieux payés que les autres soldats, ils font preuve d'une grande loyauté envers le président. Deuxième noyau, la Garde républicaine rapprochée. Ils sont 26 000 hommes, cantonnés à Bagdad, tous prêts à mourir pour Saddam. Troisième cercle, l'entourage immédiat du président.
Le must du must. Ils sont plus d'une centaine à entourer Saddam. Y compris ses sosies. Ces hommes sont les derniers remparts du président irakien. Là réside le grand problème des experts de George Bush. Comment déloger Saddam de ses palais ? Comment en finir avec sa garde rapprochée ? Avec une population de 5 millions d'habitants à Bagdad, pour l'heure toute acquise à Saddam, il sera extrêmement difficile pour les troupes américaines de déloger le raïs.
Quel sort réserver à Saddam Hussein à l'issue du conflit ?
Ni les Américains ni leurs alliés du Golfe ne veulent d'un Saddam Hussein mort les armes à la main, écrasé par les troupes de George Bush. Tout le monde souhaite que Saddam quitte l'Irak avant la déconvenue.
Certains pays arabes ont déjà pris contact avec Bagdad. L'objectif est de le persuader de se réfugier dans une lointaine République d'ex-URSS. L'Arabie Saoudite aurait pris contact avec Saddam pour le prier de quitter le pouvoir pour éviter une offensive américaine mais l'information a été démentie par le chef de la diplomatie saoudien. Les Américains sont persuadés que le président irakien se battra jusqu'au bout en utilisant le cas échéant des armes chimiques ou bactériologiques.
Qui sera le successeur de Saddam Hussein ?
La question divise le staff de George Bush. Certains préconisent une administration militaire à l'image de ce qui s'est passé au Japon en 1945 avec le général Mac Arthur. D'autres optent pour un gouvernement civil géré par un irakien et désigné par l'ONU. Mais qui ? Pour l'heure, aucun nom n'émerge. Les figures de proue de l'opposition irakienne installées à l'étranger ne font pas le poids et Washington s'en méfie comme de la peste. Il est hors de question de faire installer un général dissident.
Tous sont impliqués dans des crimes de masse à l'image de l'ancien chef des forces armées irakiennes Nizar El-Khazraji, réfugié au Danemark inculpé de crimes de guerre. Les conseillers de Bush optent pour une instance exécutive militaro-civile en attendant que le pays puisse organiser des élections pluralistes. Washington exclut l'idée de créer un gouvernement provisoire avant le déclenchement de la guerre.
Faut-il juger les généraux irakiens ?
Le plan prévoit la mise en place de tribunaux d'exception pour juger les généraux et les hauts responsables irakiens. Une sorte de Nuremberg de Bagdad. Le plan ne mentionne pas l'identité des juges qui statueront sur le sort des officiels. L'administration irakienne sera épurée et le parti Baâth liquidé. Pour autant, les apparatchiks, qui décident de retourner la veste et coopérer avec Washington, devront être épargnés par cette opération de nettoyage
Combien va durer la présence américaine en Irak ?
L'armée américaine devrait stationner sur le sol irakien pendant une période de 18 mois. Le temps nécessaire pour remettre le pays sur les rails. Durant cette période, les Américains devront aider le gouverneur à relancer l'économie, bâtir des écoles et des ponts qui auront été détruits lors des attaques, gérer les programmes d'aide de Washington et des Nations unies.
Un haut responsable américain, ayant requis l'anonymat, avance le terme de “reconstruction d'une nation” afin de sauvegarder l'intégrité de l'Irak. “Nous sommes déterminés à assurer la sécurité et nous attendons à ce que, si le conflit éclate, Saddam soit déposé et qu'un nouveau régime soit mis en place, la sécurité constituera un problème pendant un certain temps”, affirme un responsable américain.
Que faire du pétrole irakien ?
La grande crainte des conseillers de Bush est celle-ci : avant sa chute, Saddam Hussein risque de faire exploser tous les puits de pétrole dans un geste ultime de désespoir. Le président irakien l'a déjà fait au Koweït durant sa débâcle de 1991. Pour ce faire, les Américains préconisent de protéger les puits dès le début de la guerre.
Des troupes seront stationnées autour des champs afin d'éviter d'éventuelles opérations de sabotage. Une fois Saddam chassé, les Américains reprendront en main l'industrie pétrolière. Les revenus du pétrole serviront à la reconstruction du pays. Washington prévoit l'augmentation des capacités de production de l'Irak bien au-delà des volumes imposés dans le programme “pétrole contre nourriture”.
L'administration de Bush étudie la faisabilité de la chose sur le plan du droit international. Autre question qui taraude les esprits de Washington : comment les Etats-Unis vont-ils assurer la présence d'un Irak occupé au sein de l'Opep ?
Quels seront les coûts de la guerre ?
Les avis divergent et la question donne des sueurs froides aux conseillers de Bush. Contrairement à la guerre du Golfe, dont la facture estimée à 80 milliards de dollars —entièrement payée par l'Arabie Saoudite, le Koweït et le Japon — l'offensive américaine contre Saddam sera réglée par le contribuable américain. Larry Lindsey, conseiller économique de Bush avait estimé que la guerre coûterait entre 100 et 200 milliards de dollars. Pour avoir rendu publics ces chiffres, le conseiller s'est fait remercier par washington.
Officiellement, on évoquera alors le chiffre de 50 à 60 milliards de dollars. Dans une récente étude, William Nordhaus, professeur à l'université de Yale, considère que les coûts de la guerre pour la seule économie américaine seront d'une fourchette de 99 milliards à 1 900 milliards de dollars pour une période de dix ans.
Pour l'instant, il est exclut que les revenus pétroliers irakiens servent à dédommager Washington.
F. A.


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