Depuis plus de trois ans, chaque mardi, des dizaines de citoyens observent des sit-in devant le cabinet du wali. Hier, c'étaient plus de 400 personnes qui protestaient pour la énième fois demandant la restitution de leurs armes. Armes consignées depuis 1993 sur instruction du ministère de l'Intérieur. Cette mesure considérée exceptionnelle et transitoire a été appliquée au niveau de dix wilayas, à l'époque, sous couvre-feu. À 8h30, la plupart des septuagénaires, propriétaires des fusils “consignés” se sont rencontrés au niveau de la place publique de la ville de Bouira. Venus des quatre coins de la wilaya, ils avaient un seul objectif, maintenir la protestation jusqu'à satisfaction de leur revendication. Visiblement, avec le temps, ils se connaissaient tous. Ils ont fini par s'appeler par leur prénom malgré les différentes régions d'origine. À 9h, plus de 300 personnes étaient déjà au rendez-vous. Bien organisés, ils ont improvisé une marche silencieuse par petits groupes en empruntant le trottoir vers leur destination habituelle, celle du cabinet du wali. Un rassemblement devant le siège de la wilaya a été organisé. L'éternelle délégation fut encore reçue par le chef du cabinet. La réponse semblait connue :“Nous savons ce qu'il va nous dire”, s'exclama un septuagénaire. “Nous attendons les instructions d'en haut, car c'est une affaire qui nous dépasse. Sans tarder, la délégation est ressortie sans résultat. Un télex sera transmis au ministère de l'Intérieur comme tous les mardis”, ironisa l'un des représentants. Les personnes rencontrées ont toutes exprimé leur désarroi quant à la manière du traitement de leur revendication. Pour Moh Amghar de Haïzer, la non-restitution de nos armes explique la volonté des autorités à faire fuir les citoyens des villages les plus reculés. Cet état n'a besoin de nous que pour les élections et ne se soucie guère de nos malheurs. Durant le terrorisme et après avoir remis son arme, Moh Amghar s'est vu voler 32 vaches des monts du Djurdjura. “Ils savent que nous n'avons plus d'armes pour nous défendre, et ils nous volent nos bêtes”. Un ancien moudjahid nous exhibe des copies de lettres adressées à toutes les autorités. “J'ai écrit au wali, à la gendarmerie, à l'Intérieur et à la Défense, mais c'est demeuré sans suite”, dira-t-il. Zerhouni avait déclaré que ce n'était pas le moment de rendre les armes alors que pas moins de 500 autorisations d'achat d'armes ont été délivrées par la wilaya. Les armes achetées sont toujours bloquées au niveau du port d'Alger. “De l'autre côté, pourquoi les armes consignées auprès de la police ont été restituées aux citadins, alors que les villageois sont abandonnés à leur sort”, enchaîna-t-il. Un autre se mêla à la discussion en déclarant : “nous avons abandonné nos biens, et nos maisons, actuellement, menacent ruine. La misère nous guette à cause du manque de sécurité”, dira-t-il avec amertume. Avant de se disperser, un autre rendez-vous a été fixé à mardi prochain. A. D.