Pour l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'Algérie est sans doute déjà à ranger dans la catégorie des mauvais élèves, voire des prétendants au manque de sérieux. Lundi dernier, le ministre du Commerce, M. Noureddine Boukrouh, est revenu bredouille de Genève, siège de la puissante Organisation, où il s'était rendu en vue de finaliser enfin le processus d'adhésion au terme d'un septième round de négociations. M. Boukrouh doit logiquement en vouloir à ses conseillers, incapables de détecter une faille pourtant énorme dans son volumineux dossier. Cette bourde lui a valu un revers de débutant, mais elle vaut surtout à l'Algérie un état d'appréciation déplorable. Le groupe de travail de l'OMC, composé de 40 pays, a rappelé le ministre au bon souvenir des errances des institutions de son Etat, principalement le gouvernement et le Parlement. Car ce revers prend racine d'une proposition de loi, formulée à un moment de grande confusion marquée par des appétits électoralistes féroces. Une proposition d'amendement —relatif à l'interdiction de l'importation des boissons alcoolisées— vite retenue par une piteuse Assemblée populaire nationale, déchirée par les luttes d'influence à l'intérieur du FLN, votée par des députés crédules et approuvée par des sénateurs revanchards. Insoucieux, calculateur, le gouvernement élève une protestation mais, en définitive, savoure et rit sous cape. Le revers est aussi la sanction ferme d'une loi relative au gaz, élaborée et entérinée avec un brin de malice naïve parce que voulant, purement et simplement, contrevenir aux règles de… l'OMC. La double tarification contenue dans cette loi (prix élevé à l'exportation et bas à la consommation interne) pouvait être perçu comme un signe de mauvaise foi des autorités algériennes. Les experts nationaux qui planchent sur le dossier d'adhésion depuis des années (les premières discussions ont eu lieu en 1987, au sein du GATT, ancêtre de l'OMC) pouvaient-ils à ce point ignorer des détails aussi pointus ? Si l'on peut retenir des circonstances atténuantes pour l'histoire du gaz, il n'en est certainement pas de même pour la rocambolesque affaire des boissons alcoolisées. Une affaire où la responsabilité de deux hautes personnalités, l'actuel Chef du gouvernement et son prédécesseur, et celle de leurs partis respectifs, majoritaires dans les institutions, est pleinement engagée. Le FLN et le RND avaient ainsi fait passer la proposition de loi à l'APN et au Conseil de la nation grâce à leur statut de majorité. Pourtant, en novembre 2003, au moment où le débat faisait rage, le ministre des Finances, M. Abdelatif Benachenhou, expert parmi les experts, trouva des mots suffisamment justes pour paraître crédibles. “Cette mesure, a-t-il mis en garde, contredit les engagements de l'Algérie au plan international (…). Le commerce international ne reconnaît pas l'interdiction d'importation de boissons alcoolisées”. Les experts en charge du dossier devaient bien le savoir. De son côté, le président de la commission des finances de la Chambre basse avait averti que l'amendement proposé à la loi de finances 2004 “porterait préjudice au processus d'adhésion à l'OMC”. Cela n'a pas empêché au moins une moitié des députés FLN de soutenir leurs 43 collègues d'El-Islah, initiateurs de la proposition de loi. Le MSP et les indépendants ont clos la liste des consentants (au total 108 voix contre 83). Quelques jours plus tard, les membres du RND au Conseil de la nation contredisent leurs camarades de l'Assemblée en avalisant massivement l'amendement. Ce jeu maléfique adopté en période électorale retarde les aspirations de l'Etat algérien. Dans les institutions internationales, les actes valent bien plus que les discours. L. B.