À l'instar du droit — restrictif — de la femme à l'héritage, la polygamie est maintenue. “Il ne sera jamais question de toucher aux dispositions de la loi de 1984, inspirées directement de la charia”, a proclamé Mohamed Zeghloul Boutaren, premier président de la Cour suprême. Dans une conférence de presse qu'il a animée, hier matin, au siège de son institution, le magistrat s'est exprimé sur les principales propositions d'amendement du Code de la famille formulées par la commission de réforme dont il a la charge depuis le mois d'octobre dernier. L'orateur a bien mis en évidence la conformité des changements préconisés par l'islam. Sur cette base, des articles très contestés tels que la part de la femme dans héritage ainsi que la polygamie sont intouchables. En matière de polygamie, la commission a trouvé un expédient pour réduire cette pratique. Si le mari veut contracter une nouvelle union, il sera dorénavant soumis à l'assentiment du juge. “Le magistrat peut l'autoriser à avoir une autre épouse mais seulement dans le cas où il fait preuve d'équité et si seulement sa première femme est d'accord”, a expliqué le premier président de la Cour suprême. En dotant le juge de plus grandes prérogatives, la commission de réforme croit ainsi réduire les inégalités entre les conjoints et préserver le droit des épouses. En cas de divorce unilatéral, il appartient également au magistrat d'arbitrer. Mais l'idéal n'est-il pas d'intervenir directement sur les textes pour prévenir les décisions injustes, notamment pour le divorce ? M. Boutaren et les 52 experts mis sous sa coupe ont ciblé d'autres chapitres par un traitement tranchant. Il en est ainsi de la tutelle matrimoniale dont ils recommandent la suppression. De même, ils proposent le partage de la responsabilité conjugale entre les deux époux et le transfert de la tutelle à la mère si elle a la garde des enfants. La maman pourra également prétendre à un toit et au versement assuré d'une pension alimentaire. “Cette exigence a fait couler beaucoup d'encre”, a reconnu l'animateur de la conférence de presse. Pendant 20 ans, le mouvement féministe en Algérie a concentré son combat, entre autres, autour de cette question. Tout au long de ces deux décennies, les femmes ont appelé à l'abrogation du Code de la famille. Dénonçant le caractère infamant de ce texte, elles ont livré un nombre incalculable de batailles. Aujourd'hui, bien que leurs doléances restent insatisfaites, des progrès sont enregistrés. Pour autant, ils restent insuffisants. Comme pour prévenir ce genre de réaction, le gouvernement a mis en avant la révision des articles prioritaires. Le responsable de la commission de réforme a parlé hier des “dispositions urgentes qui ont posé des problèmes au niveau de l'application”. D'autres articles feront l'objet d'un prochain examen, a-t-il promis. D'ailleurs, le rapport qu'il s'apprête à remettre avant la fin de cette semaine, au ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, est considéré comme préliminaire. Les usages veulent que ce projet de réforme, une fois avalisé par le gouvernement et le Conseil des ministres, soit présenté devant le Parlement. Pourvu qu'il connaisse un sort plus heureux que les rapports sur la réforme de la justice et l'éducation, restés longtemps dans les tiroirs. S. L.