Le président soudanais Omar Al-Bechir s'est plié aux injonctions internationales exigeant de lui la résolution de la question du Darfour, région frontalière avec le Tchad, en proie à la plus grave crise humanitaire dans le monde, après avoir été le théâtre d'un véritable génocide ethnique perpétré par Khartoum, au nom de l'arabité et de l'islam. Al-Bechir, patron de l'armée lorsque le Soudan expérimentait une république islamiste, s'est entretenu avec son homologue tchadien, Idriss Deby, qu'il accusait de duplicité avec la rébellion du Darfour. Cette région, qu'on dit assise sur des gisements de pétrole, court le risque d'une grave crise humanitaire, selon l'ONU, qui n'a cessé de tirer la sonnette d'alarme. Les exactions des milices pro-gouvernementales y ont fait depuis février 2003 environ 10 000 morts, un million de déplacés et quelque 120 000 réfugiés au Tchad. Les deux chefs d'Etat ont discuté de la formation d'une force commune, préconisée par l'Union africaine (UA) lors de son dernier sommet, et qui serait déployée à leur frontière commune. Pris à partie par les Etats-Unis et l'UE, qui brandissent la menace d'un embargo plus féroce que celui imposé lorsque l'islamiste Tourabi dictait sa loi au général Al-Bechir, Khartoum se déclare même prêt à organiser le retour dans leurs villages des déplacés et réfugiés du Darfour qui ont pu échapper au génocide. Le sommet soudano-tchadien intervient après une réunion à Addis-Abeda de plusieurs chefs d'Etats africains, dont Al-Bechir et Deby, tenue en marge du sommet de l'Union africaine et consacrée à la situation dans le Darfour. L'UA envisage d'envoyer au Darfour une force de protection de 300 hommes pour assurer la sécurité des observateurs qu'elle y a dépêchés et rassurer la population civile. Le chef de la diplomatie soudanaise a déclaré que le Soudan ne s'opposerait pas à l'envoi d'une telle force, tandis que celui de la défense s'est montré disposé à tenir en laisse les djandjawids, une milice arabe soudanaise qui, sévissant au Darfour, s'autorisait à pénétrer dans le territoire tchadien pour exercer un prétendu droit de suite. La tension n'a cessé de monter entre les deux pays, après l'entrée, le 5 mai dernier, à 25 km à l'intérieur du territoire tchadien, des djandjawids, qui ont attaqué une localité au Tchad. Pour sa part, le gouvernement tchadien a assuré que son pays déploierait tous les efforts possibles pour aider les Soudanais à parvenir à un règlement pacifique au Darfour. Khartoum et la rébellion du Darfour avaient signé le 8 avril à N'djaména (Tchad) un accord de trêve. Le Soudan que la Ligue arabe avait, dans ses années de rêves chimériques, envisagé comme le grenier de la nation arabe, est l'un des plus riches et plus vastes pays dans le continent africain. Il en a été empêché par ses propres dirigeants pour qui les épreuves néfastes de mauvaise gouvernance n'ont pas suffi. Khartoum a poussé plus au fond sa descente aux enfers en suscitant une double guerre entre ses communautés. Des Arabes contre des Africains et des islamistes contre des non-musulmans. D. B.