Après le feuilleton de la concorde civile, le plat de la réconciliation nationale, qui a le mérite de mettre en accord tous ceux qui ont mouillé le tricot pour le second mandat de Bouteflika. Pour l'alliance présidentielle, une très large palette — de l'islamisme fréquentable aux chantres de la démocratie responsables, en passant par les islamo-conservateurs — c'est, carrément, la mère des batailles d'un programme dont on ne sait pas trop sur quoi il se fonde ni comment et avec qui il devra être mené pour extirper le pays du surplace qui épuise sa société, suscitant désenchantement, ressentiments, grognes et orages. Bouteflika, conforté dans sa sérénité par le plébiscite du 8 avril, se joue des mots pour expliciter cette apesanteur. Développement, bien-être et démocratie vraie sont suspendus au retour de la paix. Comme dans une vente concomitante, les promesses couleront de soi, dès lors que cessera l'insécurité ! De la réconciliation nationale, on n'en connaît que des synonymes : arrêt des effusions de sang, paix, fraternité, entente, convergence, communion, cohésion sociale… mais, pour rendre opérationnelles toutes ces exhortations, il faut nécessairement un projet de société. C'est à ce niveau que le bât blesse, que transparaissent, en filigranes, les calculs des uns et des autres qui lèvent les vraies questions. Pactiser et se réconcilier ! Avec qui et comment ? Dans la société — hors micro et caméra — c'est la méfiance vive. Alors que les Algériens et les Algériennes, qui aspirent à des lendemains meilleurs, sont dans l'attente de l'idéal devant les réconcilier avec leur Etat pour fructifier les pétrodollars de l'Algérie avant qu'ils ne soient dilapidés et que ne s'épuise cette manne de la nature. Dans la classe politique, la coalition pro-Bouteflika applaudit à tout rompre. Comme au temps de la pensée unique et du centralisme démocratique, sans la moindre fausse note. Quant au contre-pouvoir, malmené et condamné à l'exil intérieur, il doit, non seulement, résister pour sauver son âme, mais se reconstruire complètement pour réhabiliter les notions de mobilisation, de parti et de militantisme à même d'accompagner les revendications citoyennes qui, elles, ne cessent de pleuvoir. Le concept de réconciliation est rendu encore plus confus par les incidences collatérales de la lutte antiterroriste mondiale menée sous le panache des Etats-Unis. D'un côté, la certitude de la paix des braves et de la fraternité. De l'autre, l'obligation de désigner le terrorisme tel qu'il est et de le combattre jusqu'à son éradication. Les pinceaux s'emmêlent du moment que la réconciliation c'est, tout compte fait, la résolution de cette inéquation insoluble en dehors d'un projet de société moderne, ne souffrant d'aucune exclusive ni d'exceptions fallacieuses dans un monde qui se mondialise même en matière de démocratie et de droits de l'Homme. D'ailleurs, le recours à la réconciliation nationale paraît nettement moins euphorique dans la bouche des officiels, y compris chez Bouteflika, qui n'hésite plus à puiser dans le langage des éradicateurs. Alors, la réconciliation subira-t-elle le même sort que la concorde civile, à propos de laquelle aucun bilan exhaustif n'a été rendu public. D. B.