Pas moins de vingt familles habitant le bidonville de la Baucheraye, dans la commune de Oued Koreïche, ont été expulsées dans l'après-midi d'hier par les pouvoirs publics qui ont eu recours à la force. En effet, une armada de policiers a été déployée sur les lieux pour évacuer à la matraque les familles, impuissantes, des baraques construites depuis le début des années 1950. Selon des témoignages recueillis sur place, six personnes, dont une jeune fille, ont été arrêtées par les services de sécurité avant d'être relâchées deux heures plus tard. Tout a commencé dans la soirée de mardi quand les autorités locales ont procédé au relogement de 18 familles — habitant elles aussi ce bidonville —, dans des appartements situés au cœur du quartier de la Baucheraye. Selon les témoignages des familles victimes de cette expulsion inattendue, les autorités avaient promis, ce jour, de trouver une solution rapide à ce problème. Le lendemain, à la surprise de tous, les autorités arrivent sur les lieux, instruisent la force publique d'évacuer tout le bidonville, et les agents de la mairie de procéder à la démolition du site. “On m'a violemment frappé à la matraque. Je n'ai rien dit si ce n'est la vérité. Nous sommes recensés depuis des années et on nous a promis d'afficher la liste d'attribution dans la transparence. À l'arrivée de la police, j'ai demandé aux responsables d'ouvrir une enquête. Là, ils ont arrêté mon fils et m'ont tabassée sans état d'âme”, témoigne, en pleurs, une vieille dame. Un sexagénaire éclatera en sanglots. “Où sommes-nous pour menacer de faire de Baucheraye une autre Felloudja ? Nous ne sommes pas des étrangers au quartier. Nous habitons ici depuis 1951 et nous défions cette mafia de rendre publiques les affiliations des uns et des autres”, dira-t-il, la mort dans l'âme. Hier soir, des enfants et des bébés étaient allongés à même le sol. Dans la poussière. Au milieu de gravats aux odeurs nauséabondes. Sans eau, sans électricité (depuis deux ans), la Baucheraye, la coquette Fontaine-Fraîche est transformée en foyer de tension. Les projets de construction de quatre immeubles dans le quartier pour éradiquer l'habitat précaire date de 20 ans. Seul un bâtiment est “achevé” et seules 18 familles sur les 38 ont bénéficié de la “grâce” des pouvoirs publics. Les jeunes habitants du bidonville sont désemparés. Ceux du quartier, solidaires avec leurs voisins, sont tous venus pour apporter leur soutien et improviser des tentes pour mettre à l'abri les femmes, les petits enfants et les personnes agées. F. B.