À ceux qui croyaient qu'elle était déjà “tournée”, au bout du dixième ou du vingtième voyage officiel, Alliot-Marie a fait la mise au point : “On est encore à souhaiter que la France et l'Algérie tournent la page.” En attendant, on en parle. Avec Bouteflika, “nous avons fait un large tour d'horizon”, a déclaré la ministre française de la Défense. “Nous avons parlé des problèmes internationaux qui intéressent les deux pays”, a-t-elle ajouté. On peut supposer que sur le plan diplomatique, ce sont les entretiens que le président algérien a eu avec Barnier, quelques jours plus tôt, qui ont été réédités. Même en matière de défense, on s'est contenté de converser. “Nous sommes partis des relations de défense bilatérales ; nous avons aussi parlé de la défense européenne”, rapporte Alliot-Marie pour témoigner de l'étendue du débat. Avec Belkhadem, le sujet n'a pas, non plus, dépassé le stade de la conversation, la ministre ayant eu une simple “discussion sur le développement du partenariat et de la coopération dans le domaine militaire” avec le responsable de la diplomatie algérienne. Certes, une coopération dans le domaine de la formation — qui pourtant existerait déjà — et de l'équipement a été évoquée. Mais cinq ans d'agitation bilatérale pour n'en être qu'à l'évocation ! L'effet d'annonce passé, le contrecoup de ce mouvement de déplacements bilatéraux pourrait être celui d'une déception d'une opinion nationale mitigée, mais toujours sensible à l'état des relations avec la France. Trop bruyamment claironnée, l'avalanche d'échanges et de consultations n'aura pas tenu des promesses, certes jamais précisées, mais implicites au vu de la publicité préalable. Après l'énigmatique échange entre Belkhadem et Barnier sur la question du Sahara Occidental, on s'est retrouvé à détourner la conférence de presse conjointe entre Zerhouni et Alliot-Marie sur des questions d'ordre internes, comme celles concernant l'absence du général Lamari ou l'extradition de Abderrezak El-Para. D'avoir voulu donner un statut d'exception à une série de visites qui, peut-être par coïncidence, se talonnent, on a provoqué des attentes injustifiées. D'ailleurs, aussi bien Barnier qu' Alliot-Marie ont fait escale à Alger dans le cadre de tournées qui les ont menés du Maghreb, pour l'un, et du Moyen-Orient, pour l'autre. La tentation de s'offrir des dividendes de politique intérieure est évidente dans la manière de gérer les relations internationales. Le résultat en est que les espérances dépassent le possible. Et des résultats qui sont dans l'ordre des choses sont interprétés comme autant d'échecs. Comme ce refrain qui consiste à tourner en rond sur l'idée de tourner la page. M. H.