Moubarak est satisfait : l'Egypte a retrouvé sa place chez les dirigeants américains. Après avoir été superbement boudé par Bush, le Caire est sollicité pour jouer un rôle dans des affaires régionales. Le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a fait escale au Caire pour presser les dirigeants égyptiens d'user de leur influence pour obtenir des réformes dans le camp palestinien et un apaisement de la crise dans la province soudanaise du Darfour. Powell a rencontré le président Hosni Moubarak et vu, pour la première fois en tête-à-tête, le nouveau Premier ministre égyptien, Ahmed Nazif, chargé de donner l'image d'un pays résolument engagé dans la modernité. Le chef de la diplomatie américaine a fait savoir qu'il souhaitait voir le Caire aider au maximum les Palestiniens à réformer leurs structures politiques et leurs services de sécurité dans la perspective du retrait israélien de Gaza. Moubarak a été sollicité par Sharon pour garantir la sécurité et la stabilité dans cette région coincée entre l'Egypte et Israël. Powell a avoué avoir instruit les Egyptiens de la façon dont ils doivent travailler avec les Palestiniens pour établir une force de sécurité qui soit à même de s'occuper de Gaza ! Washington souhaite un ferme soutien égyptien pour des réformes politiques en profondeur dans le camp palestinien afin de donner davantage d'autorité au Premier ministre Ahmed Qoreï face à l'icône de la résistance palestinienne, Yasser Arafat, à qui Washington n'accorde plus aucun crédit depuis que Bush est à la Maison-Blanche. Le secrétaire d'Etat Us a essayé de convaincre Moubarak de jouer la carte du désengagement israélien promis par Sharon, qu'il n'a pas hésité à présenter, malgré un large scepticisme international, comme une occasion en or pour relancer le processus de paix. Powell a également demandé à ses interlocuteurs cairotes de s'associer aux pressions internationales sur Khartoum pour mettre fin à la crise du Darfour, alors que Moubarak cherche, au contraire, à ménager son voisin soudanais, l'ex-général Omar Bachir. Les Etats-Unis ont, à ce sujet, présenté au Conseil de sécurité des Nations unies une nouvelle version de leur projet de résolution sur le Darfour, qui prévoit la possibilité de sanctions contre le pouvoir soudanais s'il ne met pas fin aux exactions des milices qui harcèlent la population locale. Washington souhaite un vote vers la fin de la semaine. Moubarak souhaite avoir le temps pour essayer de dissuader son voisin lequel a décrété une mobilisation générale, politique et stratégique, contre toute perspective d'intervention étrangère au Darfour. La situation en Irak a figuré à l'ordre du jour de la visite de Powell, Washington souhaitant voir le Caire, l'un de ses principaux alliés au Proche-Orient, apporter le maximum de soutien au nouveau pouvoir intérimaire irakien. Moubarak est ferme, ses militaires n'iront pas en Irak mais, pour le reste, tout est envisageable, d'autant que Washington lui verse annuellement un pactole de l'ordre de 3 milliards de dollars pour alimenter leur coopération stratégique. Powell, après le Caire, s'est rendu à Djeddah, où il doit également rencontrer le Premier ministre irakien Iyad Allaoui. Sa tournée doit encore le conduire au Koweït, d'où a été organisée l'invasion de l'Irak. D. B.