La probable nomination de Condoleezza Rice en remplacement de M.Powell indique un durcissement de la politique étrangère américaine. Le second mandat du président réélu américain, George W.Bush, s'annonce encore plus radical qu'il ne l'a été durant un premier mandat durant lequel outre de la guerre en Irak, les Etats-Unis ont fait de l'unilatéralisme leur politique de choc. En fait, la probable arrivée de Condoleezza Rice, ancienne conseillère présidentielle à la sécurité, à la tête du département d'Etat, qui devait être annoncée dans la soirée d'hier par M.Bush, indique une évolution encore plus à droite d'une administration Bush qui a coupé les amarres avec les concepts classiques des relations internationales fondées sur la concertation et le dialogue. Trois autres ministres ont présenté leur démission en même temps que M.Powell, il s'agit de Spencer Abraham, secrétaire à l'Energie, Ann Veneman, secrétaire à l'Agriculture et Rod Paige, chargé de l'Education. Avec le départ de pas moins de six membres de l'administration Bush, dont le poids «lourd» Colin Powell, chef de la diplomatie américaine, la tendance semble aller vers une victoire totale des tenants de l'hégémonisme américain sur le monde, conduite par le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld. Le départ de la tête de la diplomatie américaine du «modéré» général à la retraite, qui, par sa présence a donné au premier mandat de Bush, une fausse impression d'ouverture, met à nu la véritable nature d'une équipe de néo-conservateurs décidée d'imposer par tous les moyens, y compris la force, (cf; la guerre en l'Irak) la suprématie américaine sur le monde en l'absence d'un contrepoids crédible. Aussi, le second mandat de George W.Bush, qui démarre le 20 janvier prochain, n'augure rien de bon, et sera sans doute un approfondissement de ce que a été fait durant les quatre dernières années. En réalité, la conduite de la diplomatie américaine n'a pas été une sinécure pour Colin Powell qui a dû composer, et même abandonner, des parcelles de ses prérogatives aux équipes de Rumsfeld et Cheney, qui à certains moments étaient les véritables inspirateurs de la politique étrangère américaine. Certes, le président américain est celui qui oriente et désigne les priorités, mais dans les faits, le tandem Cheney-Rumsfeld a, à plusieurs reprises, parasité les efforts de Colin Powell, pour une autre solution en Irak que la guerre. Ainsi, quoique peu convaincu de l'existence d'armes de destruction massive (ADM) en Irak, Colin Powell, par discipline et solidarité gouvernementale, a pris sur lui de présenter, en février 2003, - quelques semaines avant l'envahissement de l'Irak par l'armée américaine -, au Conseil de sécurité, les éléments qui selon Washington justifiaient une attaque contre ce pays. Or, tous les renseignements, montrés au Conseil de sécurité, tendant à prouver la présence d'ADM en Irak, se sont avérés par la suite faux. D'ailleurs, Colin Powell garde un cuisant souvenir du rôle qu'il a dû jouer à cette occasion, nonobstant l'échec retentissant du renseignement américain dans l'affaire des ADM irakiens. En fait, le poids de M. Powell dans la politique américaine était à tout le moins minime et n'a en aucune manière influencé la politique des faucons de l'entourage de Bush de mettre au pas le monde. De fait, l'échec de Colin Powell au département d'Etat se mesure au peu d'influence qu'il a eu sur des dossiers qui engageaient le crédit des Etats-Unis, comme la convention internationale de Kyoto, sur la climatologie, dédaignée par l'administration Bush qui fait cavalier seul dans une affaire qui engage pourtant le devenir de notre planète, et cela pour ne pas imposer des restrictions aux entreprises américaines qui assument une large responsabilité dans la détérioration du climat mondial. Lorsque M. Bush, fait son fameux discours sur «l'axe du mal» (Irak, Iran et Corée du Nord), le département d'Etat a été totalement pris au dépourvu par le ton guerrier adopté par George W. Bush. De fait, Colin Powell, après sa démission a justement affirmé : «Mon départ n'empêche rien. Nous allons continuer d'aller de l'avant. C'est la politique du président qui est appliquée, pas celle de Colin Powell». Il ne saurait mieux dire, car, outre le peu de poids qu'avait Colin Powell dans la diplomatie américaine, encore que sa présence et sa réputation de modéré, rassuraient les alliés et partenaires des Etats-Unis, le secrétaire d'Etat, ancien général qui s'est illustré, sous le mandat de Bush père, lors de la guerre du Golfe de 1991, en avait encore moins dans la stratégie militaire américaine, n'étant pas consulté malgré ses états de service. Sur la question proche-orientale, Colin Powell, ne faisait qu'appliquer la politique pro-israélienne préconisée par les durs de l'équipe Bush et singulièrement par la conseillère présidentielle, Condoleezza Rice, qui n'a jamais caché ses penchants pour Israël et qui joua, semble-t-il, un rôle prépondérant dans les «apartés» entre Bush et Sharon. Durant son premier mandat le président Bush a reçu plus d'une dizaine de fois, le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, n'accordant aucune entrevue aux responsables palestiniens, notamment Yasser Arafat, qui - suivant l'antienne israélienne - est devenu «le problème non la solution» comme le rappelait, quelques jours à peine avant la mort du président palestinien, le porte-parole du Département d'Etat, Richard Boucher. C'est dire que la nomination de Condoleezza Rice à la tête de la diplomatie américaine, n'est pas faite pour éclaircir l'horizon des Palestiniens. Hier, les Palestiniens étaient plutôt dans l'expectative et se sont montrés nuancés autant sur le départ de M.Powell que sur l'arrivée de Mme Rice. Ainsi, Saeb Erakat, négociateur palestinien, a estimé que «M.Powell a gagné notre respect durant nos rencontres. (...) mais la politique américaine ne se résume pas à des personnalités» ajoute-t-il, indiquant, «nous espérons que dans le futur, les Etats-Unis et le président George W.Bush mèneront une politique plus équilibrée dans notre région» soulignant, «nous voulons appliquer la vision de deux Etats (pour deux peuples) présentée par le président Bush, nous voulons voir des actions et pas seulement des mots». Reste à savoir si Mme Rice est la plus indiquée dans le contexte proche-oriental pour appliquer cette vision «bushéenne» de deux Etats, la Palestine et Israël. Au vu de ses prises de position sur la question, le moins qui puisse être dit, est que le doute subsiste.