Le massacre de Bentalha (près de Baraki, à 10 kilomètres à l'est d'Alger), perpétré dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997, a succédé, au plan de l'horreur arithmétique, à celui de Raïs (près de Sidi Moussa, relevant de l'ex-gouvernorat du Grand-Alger), commis dans la nuit du 28 au 29 août précédent. Le premier a fait plus de trois cents morts — 98 selon un bilan officiel, le second près de quatre cents morts —, une centaine selon les services étatiques. Ces deux boucheries furent relayées, en janvier 1998, par une troisième tuerie à grande échelle, celle en l'occurrence de Sidi Hamed, près de Meftah, dans la wilaya de Blida. Mais Bentalha constitue une sorte de tournant, une date-repère, non seulement dans la macabre chronologie terroriste, mais aussi au plan politique. Le massacre a eu lieu plus exactement à Haï El-Djillali et à Haï Boudoumi, mené, selon les témoignages des rescapés à l'époque, par près de deux cents hommes armés. L'Occident, symbolisé par la France et alerté par des cercles politiques algériens avec le concours inconditionnel de l'Internationale socialiste, y a vu un montage impitoyable des services secrets locaux et des militaires — ces derniers avaient, en les personnes du général Liamine Zeroual, président de la République, et du général Mohamed Betchine, un de ses conseillers, les rênes du pouvoir. Certains observateurs et plusieurs médias de l'Hexagone, face à la faiblesse de l'Etat algérien, ont commencé à douter sérieusement de l'existence de groupes armés terroristes dans les maquis du pays ; pour eux, les “verts” portaient une grosse part de responsabilité dans les massacres des populations. Les hommes politiques et les militants des droits de l'homme, réunis en janvier 1995 à Rome, sous la férule de la communauté chrétienne de Sant'Egidio, désignés depuis sous le célèbre nom de “partisans du Contrat de Rome”, en référence au texte final qui a consacré leurs travaux, ont alors obtenu un renfort inespéré à leur thèse du “Qui tue qui ?”. Une question qui suggère un fait net et clair : “Personne ne sait qui tue en Algérie !” Quelques années plus tard, lorsque les tours jumelles du World Trade Center de New York ont explosé sous l'effet du crash des avions d'American Airlines et United Airlines, la planète entière a convergé vers la piste d'Al-Qaïda, et tous ont décidé que l'hypothèse ne souffrait aucun risque d'erreur. Pourtant, comme les terroristes islamistes de l'organisation de Ben Laden, les terroristes islamistes du GIA ont revendiqué leurs actes à maintes reprises. La fameuse question a été alimentée dans un premier temps par un livre controversé, écrit par un rescapé de Bentalha, un entrepreneur réfugié en France du nom de Yous Nasrullah. Le livre était intitulé : Qui a tué à Bentalha ? La réponse y était. En décembre 2000, dans un entretien au journal Le Matin – aujourd'hui menacé de disparition — Nasrullah affirmait que l'implication des services de sécurité dans le massacre n'avait pas de doute, mais “je n'ai pas de preuves”. En janvier 2001, un autre livre, rédigé par un ancien militaire déserteur, appelé Habib Souaïdia, apporta de l'eau au moulin du groupe de Rome. La Sale guerre accuse les mêmes services ainsi que les militaires d'être les auteurs de nombre de tueries et d'attentats. Mauvais communicateur, l'Etat algérien résiste tant bien que mal. Son image est au plus bas, mais ses institutions tiennent debout. Presque debout. La communauté internationale finit par condamner pleinement les opérations terroristes islamistes et reconnaît enfin à l'Algérie le droit de clamer son innocence. Aujourd'hui, Bentalha, Raïs et Sidi Hamed soignent leurs plaies dans la clémence du combat mondial contre le… terrorisme. L. B.