Un bref communiqué de la présidence annonce que le chef de l'Etat a reçu le général Lamari qui lui a présenté sa démission. Le président l'a acceptée et a nommé le général Gaïd Salah à sa place. Le communiqué ne dit pas quand le chef d'état-major a été reçu, ni quand son remplaçant a été désigné. Bref, donc, et laconique. Il y a quelque temps, le ministre de l'Intérieur avait déclaré le général Lamari “en vacances” ; puis le Chef du gouvernement, agacé par l'insistance des journalistes à ce sujet, avait présenté, avec une dose de sarcasme, toutes les hypothèses antithétiques de la démission : il pouvait être en vacances, être malade, etc. Mais récapitulons. La dernière apparition publique du général de corps d'armée remonte au 5 juillet. Mais le 16 juillet, il n'a pu remplir sa fonction protocolaire à l'occasion de la visite de Alliot-Marie, ministre française de la Défense. Il y a donc de fortes chances qu'il ait démissionné avant cette date. Auquel cas, les interrogations agaçantes des journalistes étaient justifiées et les réponses bricolées. S'agissant d'une démission “pour raison de santé”, le silence officiel longtemps forcé ne s'explique point. C'est même un signe de bonne santé des institutions que les responsables se retirent de leurs fonctions quand leurs capacités physiques ne leur permettent plus de les remplir au mieux de leurs exigences. Or, sans préjuger de la forme physique réelle du désormais ex-chef d'état-major, nous n'en sommes pas encore là, en matière de culture du pouvoir. Y compris chez les militaires, dont certains, visiblement bien plus éprouvés par l'âge que le général Lamari, continuent à occuper des charges importantes dans l'armée ou dans d'autres secteurs tout aussi importants. Le passé récent illustre cette vérité par moult exemples dans toutes les institutions. En pensant au Sénat, à la diplomatie et à quelques autres domaines, on peut se demander si la politisation d'un secteur ne se mesure pas par sa gérontologie. Les hésitations publiques et les explications improvisées autour de cette démission dénotent un embarras du pouvoir. Il politise ainsi un fait qu'il veut, dans le communiqué supposé clore la question, banaliser. La gestion médiatique de ce départ confirme l'interprétation politique que l'opinion publique se fait du geste de Lamari. La démission d'un haut responsable qui, au nom de l'ANP, expose, en pleine campagne électorale pour la présidentielle et sur un ton solennel, la conception que l'institution militaire se fait de son rôle dans l'étape historique actuelle, ne peut que susciter des interrogations politiques. L'hypothèse qui, d'emblée, s'impose est que ce scrutin ne se soit pas déroulé selon les assurances qu'il a lui-même délivrées. Le devoir de réserve privera certainement l'analyse des éclaircissements du concerné. Mais, en attendant d'y voir plus clair, la lecture politique de cet épisode ne manque sûrement pas d'intérêt. M. H.