Hier, adulés par Washington, ils sont, aujourd'hui, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la justice irakienne. L'homme politique irakien Ahmed Chalabi et son neveu Salem seront arrêtés dès qu'ils fouleront le sol irakien, a indiqué lundi le juge qui a émis les mandats d'arrêt à leur encontre. Il ne s'agit pas d'une convocation, ils seront, dès leur retour à Bagdad, menottés et déférés devant la justice. Ahmed Chalabi, chef du Congrès national irakien (CNI) et ex-protégé du Pentagone, tombé en disgrâce, se trouve à Téhéran et Salem Chalabi, qui dirige le Tribunal spécial irakien (TSI) chargé de juger l'ancien président Saddam Hussein, est lui à Londres. Le chef du CNI est accusé de fraude et d'avoir écoulé de la fausse monnaie à la suite de plaintes de la Banque centrale irakienne. Sa résidence de Bagdad avait été fouillée en mai, confirmant les accusations portées à son encontre. Pourtant, Ahmed Chalabi avait été ramené à Bagdad sur les chars américains. Paul Bremer, l'ex-proconsul américain, avait même caressé le rêve de lui confier les clefs de l'Irak. Mais Chalabi traîne trop de casseroles. C'est, non seulement, un homme des services américains, mais aussi un escroc international. Ahmed Chalabi, longtemps exilé aux Etats-Unis et ancien protégé du Pentagone et du vice-président Dick Cheney, a même fini par tomber en disgrâce aux yeux de Washington après des soupçons de collusion avec l'Iran. En 1992, Chalabi a été condamné par contumace à 22 ans de prison pour fraude par un tribunal militaire jordanien, après la faillite de la banque Pétra qu'il avait fondée. Chalabi était accusé d'avoir transféré quelque 288 millions de dollars sur des comptes en Suisse. Ses ennemis n'ont d'ailleurs pas manqué de remettre sur le carreau ses démêlés avec la Jordanie. Aussi, devait-il se contenter d'un strapontin même lorsque Bagdad était totalement dirigé par des Américains. Chiite, il s'est révélé un piètre chef de tribu. Au grand désarroi des stratèges de Bush, qui, sérieusement, avaient pensé avoir trouver dans ce personnage haut en couleur l'antidote aux multiples leaders chiites de Bagdad, Nadjaf et Bassorah. Chalabi, appréhendé comme l'homme de main des Américains, n'a même pas eu le privilège de se voir reconduit dans le gouvernement intérimaire, installé début de l'été et qui a l'avantage d'être reconnu par la communauté internationale. En disgrâce, Ahmed Chalabi a pris la route de Téhéran, dans l'espoir d'intéresser les ayatollahs pour lesquels l'Irak est un enjeu non seulement doctrinaire mais aussi stratégique. Quant à son neveu, Salem Chalabi, il est l'un des trois accusés d'implication dans l'assassinat du directeur général du ministère des Finances, Haitham Fadel en avril. Rien que cela pour un juge à qui les Américains avaient confié le tribunal spécial qui doit juger Saddam Hussein ? Ahmed Chalabi, pour ne pas faillir à son panache, dit retourner en Irak pour débouter ses détracteurs et la justice irakienne. Salem, moins volubile et plus réaliste, a indiqué de Londres qu'il voulait des garanties pour sa sécurité avant de retourner en Irak. Il ne rentre pas à Bagdad où, selon lui, il court le risque de se voir assassiner en prison. Graves accusations pour un juge qui avait été chargé de faire toute la lumière sur l'Irak de Saddam. Le ministère britannique des Affaires étrangères a exclu d'extrader Salem Chalabi. Par contre, son oncle, Ahmed, pourrait lui, faire l'objet d'un marchandage entre Téhéran et Washington. D. B.