La situation n'a pas changé depuis le 28 juin dernier, date à laquelle l'administrateur américain avait officiellement transmis le pouvoir à un autre cabinet provisoire irakien. Elle tend même à s'aggraver avec certainement pour la première fois depuis l'occupation américaine des combats de rue en plein centre de la capitale irakienne. Un véritable défi pour l'armée américaine qui a dû recourir à des moyens lourds au risque de causer, selon sa propre terminologie, des dommages collatéraux, et des nouvelles autorités irakiennes qui croient pouvoir disposer d'une force de maintien de l'ordre. Pour y faire face, et comme il l'avait envisagé, le Premier ministre irakien Iyad Allaoui dispose, depuis hier, de prérogatives exceptionnelles allant de l'imposition du couvre-feu jusqu'à l'émission de mandats d'arrêt, la dissolution d'associations, la restriction des déplacements et les écoutes téléphoniques, selon un décret d'urgence. Selon le décret sur « la sécurité nationale », il peut « lancer des mandats d'arrêt, de perquisition et imposer des restrictions sur la liberté des citoyens et des étrangers soupçonnés de crime ». Il peut aussi « réduire les déplacements à l'intérieur de l'Irak, interdire la sortie du pays, imposer des restrictions sur les rassemblements, le port d'armes et de munitions ». Il peut aussi « arrêter des suspects et perquisitionner à leur domicile et sur leur lieu de travail », précise le décret. Selon le New York Times, qui s'est procuré une copie du texte, M. Allaoui pourra également appliquer la loi martiale en prenant le contrôle direct des organes de sécurité et du renseignement dans les zones troublées ou « en nommant un commandant civil ou militaire pour assurer l'administration dans la zone sous état d'urgence ». Dans la région du Kurdistan, le Premier ministre devra consulter les autorités locales. C'est exactement ce qu'on appelle les pleins pouvoirs, mais à condition d'avoir les moyens de sa politique ou encore que la fin de la résistance ne se décrète pas. Tout d'abord, le nouveau pouvoir ne pourrait pas compter totalement sur ses services de sécurité peu enclins à se battre contre d'autres Irakiens, sinon peu préparés à cette tâche. Mais en face, c'est la totale détermination. Comme l'ont prouvé les violents affrontements qui opposaient en plein centre de Baghdad des membres de la résistance aux Gardes nationaux irakiens aidés par les forces américaines, qui ont tiré de leurs blindés et de leurs hélicoptères de combat. Les soldats américains ont perdu un de leurs véhicules blindés de type Humvee, touché à un carrefour. Les violences ont éclaté dans la matinée entre des membres de la Garde nationale et des hommes armés autour d'un barrage de la Garde nationale sur la place Talaï, en plein centre de Baghdad selon un officier de police. De nombreux échanges de tirs coupés d'explosions ont ensuite retenti durant plusieurs heures. Des témoins affirmaient par ailleurs avoir vu des cadavres mutilés allongés sur le sol. L'efficacité se mesure aussi à la crédibilité. A cet égard, l'Union des avocats arabes a estimé hier que le procès du président irakien déchu Saddam Hussein était « nul et non avenu » après avoir révélé par ailleurs que le chef du Tribunal spécial irakien (TSI) qui le juge, Salem Chalabi, était l'associé d'un cabinet d'avocats en Israël. Nommé pour trois ans par le Conseil de gouvernement transitoire irakien, Salem Chalabi, 41 ans, spécialisé dans le droit financier et humanitaire international et inscrit au barreau de New York, est réputé proche du Pentagone. Il est le neveu de l'homme politique irakien Ahmad Chalabi, ancien protégé des Américains tombé en disgrâce. Pour un pays et une population farouchement opposés à Israël, un tel pavé dans la mare est difficilement surmontable. Aucune explication ne pourra être acceptée. Chaque élément sera retenu et exploité par les différents et nombreux opposants à l'occupation et aux Irakiens qui exercent le pouvoir.